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1695 que je ne vais point d’un côté, qu’on me crie miséricorde de l’autre ; car Mme de Louvois étoit hier dans une si terrible colère de ce que je l’abandonnois encore pour huit ou dix jours, et me fit des reproches si tendres, que peu s’en fallut que je ne lui sacrifiasse mon voyage d’Évreux ; mais aussi je lui fis voir des lettres si honnêtes, et si touchantes, et si menaçantes de M. et de Mlle de Bouillon, que Mme de Louvois s’y rendit à la fin, à condition qu’à mon retour je ne la quitterois pas d’un moment pour cogner et recogner à Choisy depuis le matin jusques au soir ; mais il faudra bien pourtant placer encore une petite partie de Saint-Martin ; car Mme de Chaulnes, qui veut se tuer, à quelque prix que ce soit, par tous les tourments qu’elle se donne sans rime ni raison, n’a pu y venir la semaine passée, comme elle l’avoit résolu avec Mme de Coulanges, à qui le Cardinal veut faire voir comme je suis le maître dans ce délicieux séjour, et combien, quand j’y suis, il y est peu question de lui. Ce voyage n’est que différé, et mon amour-propre prendra soin de le renouer, dès que la santé de la duchesse, le permettra. Voilà déjà une grande épine hors de son pied ; car l’affaire de Ménilmontant vient d’échouer une seconde fois : vous jugez bien que les embarras ne viennent que de la part du premier président, qui est homme difficultueux. Comme je n’ai point vu M. de Chaulnes depuis que je suis ici, parce qu’il a toujours la rage de Versailles, je ne sais point les tenants et les aboutissants de la rupture de ce marché ; mais je les saurai tantôt, car le duc vient dîner à Paris, parce que le Roi s’en va à Marly[1] pour neuf jours ; et je me propose d’aller dîner avec lui pour lui dire adieu, et voir un peu comme

  1. Lettre 1418. — 1. Le Roi alla à Marly le 22 juin, le jour même d’où est datée cette lettre. Voyez la Gazette du 25.