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1695 s’expliquer, son dessein auroit été d’en faire présent à Sa Majesté. Le Roi répondit des merveilles ; elle vit ensuite Monseigneur, qui la remercia d’un si beau présent ; enfin toute cette scène s’est passée à merveilles, et nous voilà maintenant occupés à transporter nos meubles de Meudon à Choisy, et à nous bien assurer nos quatre cent mille francs, dont il devroit bien revenir quelque petite chose au petit comte de Nicei ; mais avec toute la tendresse du monde de Mme de Louvois pour moi, les beaux yeux de sa cassette l’éblouiront toujours de telle sorte qu’elle ne verra jamais, ni moi non plus, tous les petits présents qu’elle me pourroit faire ; je l’ai toujours dit, je suis né pour le superflu, et jamais pour le nécessaire ; il s’en faut consoler, et vivre heureux au milieu de l’indigence.

J’ai été ravi, mon adorable Comtesse, des sacrés caractères dont vous m’avez honoré. Je vous remercie de recevoir aussi agréablement que vous m’en assurez tout ce que je dis à Madame votre mère de vous et de votre royal château, et je vous prie de continuer ; car je mérite assurément quelque reconnoissance de tous les sentiments tendres et respectueux que j’ai pour vous et pour tout ce qui vous environne ; plût à Dieu qu’un coup de vent me jetât encore vers Donzère[1] ! je sais bien ou j’irois. Je ne doute point que ce royal château n’embellisse chaque jour, et que mon goût ne s’y trouvât, en toute manière, plus satisfait que jamais ; mais il est bien plus vraisemblable qu’un coup de vent vous jettera de ces côtés-ci, et en ce cas-là je vous ferai voir, quand il vous plaira, mes maisons de Chaulnes, de Saint-Martin et de Choisy, qui ne vous déplairont point. Je m’en vais en-

  1. 5. Sur le Rhône, dans le canton de Pierrelatte.