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1695

1413. — DE MADAME DE COULANGES À MADAME DE SÉVIGNÉ.

À Paris, le 3e juin.

Comment vous portez-vous, ma très-belle ? Je n’ai point reçu de vos nouvelles depuis la lettre que vous m’avez fait écrire par votre joli secrétaire. J’ai peur que vous n’ayez gâté votre belle santé par une médecine. Je vis hier M. de Chaulnes, qui est le parfait courtisan ; il a demeuré dix jours à Marly, où il a passé ses journées à jouer aux échecs avec le cardinal d’Estrées ; et sur ce qu’on lui a dit que cela faisoit ici une nouvelle, il a répondu qu’il en étoit surpris, par la raison qu’il y a longtemps qu’ils cherchaient à se donner échec et mat[1]. Une autre nouvelle est que Mme de Louvois a cédé Meudon au Roi, qui l’a pris pour Monseigneur, en donnant quatre cent mille francs à Mme de Louvois, et la charmante maison de Choisy, qui étoit la chose du monde qu’elle désiroit le plus ; ainsi je crains qu’elle ne puisse plus avoir de desirs[2]. Elle est fort mal contente de M. de Coulanges, qui en arrivant de Chaulnes partit le lendemain pour Pontoise. Quant à moi, je ne me sens plus de goût que pour le repos : on m’a priée d’aller chez le cardinal de Bouillon cette semaine ; cela me paroît comme si l’on me proposoit d’aller faire un petit tour à Rome ; je trouve

  1. Lettre 1413. — 1. Allusion à la manière dont le cardinal n’avait cessé de traverser les vues du duc de Chaulnes pendant que ce dernier était ambassadeur à Rome. Voyez tome IX, p. 270, note 17, et les Mémoires de Coulanges, p. 282. Lorsque le duc de Chaulnes fut au lit de la mort, le cardinal d’Estrées se présenta pour lui faire ses excuses, et se réconcilier avec lui. Voyez les Annales de la cour et de Paris pour les années 1697 et 1698, tome II, p. 239 et 240. (Note de l’édition de 1818.)
  2. 2. Voyez le Journal de Dangeau, au 1er juin I695, et la lettre de Coulanges du 10 juin, p. 274 et 275.