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1695 que vous ignoriez le bon goût que nous conservons ici pour ce que vous faites. Vous allez en avant pour la gaieté et pour l’agrément de votre esprit, et en reculant contre le baptistaire ; c’est tout ce qui se peut souhaiter, et c’est ce qui fonde bien naturellement l’envie qu’on a de vous avoir partout : avec qui n’êtes·vous pas bon ? avec qui ne vous accommodez-vous point ? et sur le tout, cette conduite de ne vous point jeter à la tête et de laisser la place aux désirs de vous voir, c’est ce qui fait le ragoût de votre amour-propre. Il faut que la force du proverbe soit bien violente, s’il est bien vrai que vous ne soyez pas prophète en votre pays. Je reçois souvent des nouvelles de Mme de Coulanges ; son commerce est fort aimable, et sa santé ne doit plus faire de peur, surtout ayant la ressource que nous devons avoir, que quand elle sera lasse et désabusée des remèdes, c’en sera un très-salutaire que de n’en plus faire.

Mais revenons à Chaulnes : j’en connois la beauté[1], et je vois d’ici combien notre bon gouverneur s’y ennuie. Vous avez beau dire les meilleures raisons du monde, il répondra toujours : « Je ne saurois ; » et si vous continuez, il vous fera taire enfin en disant : « J’en mourrois. » C’est ce qui arrivera sans doute, avant que d’avoir pris le goût du repos et de la douceur d’une vie tranquille : les habitudes sont trop fortes, et l’agitation attachée au commandement et aux grands rôles a fait de trop profondes traces, pour qu’elles s’effacent aisément. J’écrivis à ce duc sur la députation de mon fils, et je badinois avec lui, croyant dire des contre-vérités sur sa solitude de Chaulnes ; je le traitois comme un véritable ermite, s’entretenant avec ce beau jet d’eau qu’on appelle le solitaire[2]. Je supposois ses

  1. 2. Voyez tome IX, p. 22.
  2. 3. Voyez même tome, même page et note 6.