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1695 rence aux vins de Grignan sur les eaux de Bourbon. Je plains bien M. le chevalier de Grignan, et je suis bien honteuse de me plaindre de mes petits maux quand j’en vois souffrir de si grands, et avec tant de patience. La pauvre Mme de Kerman est bien mal ; nous verrons la fin de sa vie avant celle de sa patience[1].

Mon Dieu ! que je me presse de vous faire des compliments de M. de Tréville : il me gronde tous les jours de l’avoir oublié ; il souhaite votre retour très-sincèrement. Il nous dit avant-hier les plus belles choses du monde sur le quiétisme, c’est-à-dire en nous l’expliquant ; il n’y a jamais eu un esprit si lumineux que le sien. M. Duguet[2], qui n’est pas trop sot, comme vous savez, sur de tels sujets, étoit transporté de l’entendre. Parlons d’autre chose. Les princesses sont ici, et se divertissent si parfaitement bien, qu’on assure qu’elles n’ont nulle impatience du retour de la cour[3] ; elles se couchent ordinairement vers onze heures ou midi. Langlée donna hier un souper à Monsieur et à Madame de Chartres ; Madame la Princesse, Madame la Duchesse, qui étoit la reine de la fête, Mme de Montespan, une infinité d’autres dames, dont Madame la maréchale et Mme la duchesse de Villeroi étoient ; Monsieur le Duc et tous les princes qui sont

  1. Lettre. — 1411. Elle ne mourut qu’en 1707.
  2. 2. Jacques-Joseph Duguet, fils de Claude Duguet, avocat du Roi au présidial de Montbrison en Forez, et de Marguerite Colombet, naquit à Montbrison le 9 décembre 1649. Il entra dans la congrégation de l’Oratoire, dont il sortit en 1685 pour se retirer à Bruxelles auprès d’Antoine Arnauld ; mais bientôt après il revint en France. Il mourut le 25 octobre 1733. On a de Duguet beaucoup d’ouvrages de philosophie et de théologie, dont le principal est l’Institution d’un prince. Voyez sur lui le Port-Royal de M. Sainte-Beuve, surtout au tome V, p. 362 et suivantes.
  3. 3. Le Roi était parti le 28 avril pour Compiègne ; il revint à Versailles le 17 mai.