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1695 n’avertit encore du nombre de mes années, je suis quelquefois surprise de ma santé ; je suis guérie de mille petites incommodités que j’avois autrefois ; non-seulement j’avance doucement comme une tortue, mais je suis prête à croire que je vais comme une écrevisse : cependant je fais des efforts pour n’être point la dupe de ces trompeuses apparences, et dans quelques années je vous conseillerai d’en faire autant.

Vous êtes à Chaulnes, mon cher cousin : c’est un lieu très-enchanté, dont M. et Mme de Chaulnes vont reprendre possession ; vous allez retrouver les enfants de ces petits rossignols que vous avez si joliment chantés[1] ; ils doivent redoubler leurs chants, en apprenant de vous le bonheur qu’ils auront de voir plus souvent les maîtres de ce beau séjour. J’ai suivi tous les sentiments de ces gouverneurs, je n’en ai trouvé aucun qui n’ait été en sa place, et qui ne soit venu de la raison et de la générosité la plus parfaite : ils ont senti les vives douleurs de toute une province qu’ils ont gouvernée et comblée de biens depuis vingt-six ans ; ils ont obéi cependant d’une manière très-noble ; ils ont eu besoin de leur courage pour vaincre la force de l’habitude, qui les avoit comme unis à cette Bretagne ; présentement ils ont d’autres pensées ; ils entrent dans le goût de jouir tranquillement de leurs grandeurs : je ne trouve rien que d’admirable dans toute cette con-

  1. Lettre 1410. — 1. C’est peut-être une allusion au couplet :

    Rossignols, qui sous ces ombrages
    M’entendez plaindre chaque jour, etc.

    Voyez les Chansons de Coulanges (tome II, p. 274, édition de 1698), Dans une autre de ses chansons, intitulée Aventure dans les bois de Chaulnes (ibidem, p. 137 et 138), Coulanges déplore le malheur d’un «  petit ménage  » de rossignols ; mais ce n’est pas de ceux-là qu’il peut retrouver les enfants, au moins la couvée dont parle la chanson : une belette avait « fait une omelette » de leurs œufs.