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bre que Mme de Coulanges avoit depuis peu à la place de la belle de nuit ; cette femme de chambre lui déplut dès le lendemain qu’elle fut entrée à son service ; elle attira aussi la haine de toute la maison ; mais jamais votre amie n’eut la force de s’en défaire, parce qu’elle lui étoit donnée par une pénitente chérie du P. Gaillard.

1695

1410. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À COULANGES.

À Grignan, le 26e avril.

Quand vous m’écrivez, mon aimable cousin, j’en ai une joie sensible : vos lettres sont agréables comme vous, on les lit avec un plaisir qui se répand partout ; on aime à vous entendre, on vous approuve, on vous admire, chacun selon le degré de chaleur qu’il a pour vous. Quand vous ne m’écrivez pas, je ne gronde point, je ne boude point, je dis : « Mon cousin est dans quelque palais enchanté ; mon cousin n’est point à lui ; on aura sans doute enlevé mon pauvre cousin ; » et j’attends avec patience le retour de votre souvenir, sans jamais douter de votre amitié ; car le moyen que vous ne m’aimiez pas ? c’est la première chose que vous avez faite quand vous avez commencé d’ouvrir les yeux, et c’est moi aussi qui ai commencé la mode de vous aimer et de vous trouver aimable : une amitié si bien conditionnée ne craint point les injures du temps. Il nous paroît que ce temps, qui fait tant de mal en passant sur la tête des autres, ne vous en fait aucun ; vous ne connoissez plus rien à votre baptistaire, vous êtes persuadé, qu’on a fait une très-grosse erreur à la date de l’année ; le chevalier de Grignan dit qu’on a mis sur le sien tout ce qu’on a ôté du vôtre, et il a raison : c’est ainsi qu’il faut compter son âge. Pour moi, que rien