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1695 seroient exacts à ne donner entrée à l’heure de leur dîner qu’à de certaines gens, et que rien n’étoit si capable de mortifier une bonne compagnie que de la mêler avec une mauvaise. Sur cela Mme de la Salle dit cent jolies choses plus délicates et plus françoises les unes que les autres ; Mme de Saint-Germain y applaudit avec son air de confiance ordinaire, et Mme du Bois de la Roche en rit plus haut que jamais ; les cuillers sales redoublèrent dans les plats en même temps, pour servir l’un, et pour servir l’autre ; et ayant par malheur souhaité une vive, Mme de Saint-Germain m’en mit une toute des plus belles sur une assiette pour me l’envoyer ; mais j’eus beau dire que je ne voulois point de sauce, la propre dame, en assurant que la sauce valoit encore mieux que le poisson, l’arrosa à diverses reprises avec sa cuiller, qui sortoit toute fraîche de sa belle bouche ; Mme de la Salle ne servit jamais qu’avec ses dix doigts ; en un mot, je ne vis jamais plus de saleté ; et notre bon duc, avec les meilleures intentions du monde, fut encore plus sale que les autres. Voilà, ma belle gouvernante, comme se passa cette fête. Je m’en vais de ce pas dîner encore avec la duchesse de Chaulnes car le duc n’arrivera que ce soir de Versailles ; mais demain le triomphe est destiné au premier président de Bretagne[1], à son fils, à sa belle-fille, à Mme Girardin[2], à l’évêque de Vannes[3], à sa sœur, Mme de Creil[4] et autres : je suis encore retenu pour en faire les honneurs.

  1. 8. De la Faluère. Voyez tome IX, p. 136, note 2.
  2. 9.Dangeau (tome VI, p. 69) parle d’une Mme de Girardin, veuve de l’ambassadeur de France à la Porte ; mais rien ne dit qu’il soit ici question d’elle.
  3. 10. François d’Argouges.
  4. 11. Une Mme de Creil a déjà été nommée tome I, p. 418. Dangeau parle d’un intendant du Bourbonnais, gendre de M. d’Argouges, et d’un capitaine aux gardes de ce nom.