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quefois dans votre lecture ? Pour moi, j’aime mieux les bonnes feuilles de papier de nos pères, où les détails se trouvent à l’aise. Il y eut hier huit jours que je revins de Saint-Martin et de Versailles, pour passer le reste des jours gras à Paris. Il n’y a rien de pareil aux bons et somptueux dîners de l’hôtel de Chaulnes, à la beauté du grand appartement, qui augmente tous les jours, et au bon air des feux qui sont dans toutes les cheminées : il n’y a plus en vérité que cette maison qui représente la maison d’un seigneur. M. de Marsan et le duc de Villeroi furent du dîner du chevalier de Lorraine.

Comme je n’ai point entendu le cardinal de Bouillon sur le sujet du prince dauphin[1], je ne puis bien vous dire la vérité de ce fait ; mais on prétend que Monsieur, pressé par le Cardinal, avoit consenti à démembrer la principauté dauphine d’Auvergne du duché de Montpensier, pour les prétentions que la maison de Bouillon pouvoit avoir sur la succession de Mademoiselle : en sorte qu’ils étoient par là les maîtres de toute l’Auvergne ; car le Cardinal en a le duché, et M. de Bouillon le comté ; et que dans la suite le duc d’Albret[2]se seroit appelé le

  1. 10. « L’orgueil du cardinal de Bouillon donna vers ce même temps une autre sorte de scène. Pour l’entendre, il faut dire qu’il y a dans la province d’Auvergne deux terres particulières dont l’une s’appelle le comté d’Auvergne, l’autre le dauphiné d’Auvergne... Le dauphiné est encore plus petit en étendue que le comté, et bien qu’érigé en princerie, n’a ni rang ni distinction par-dessus les autres terres, ni droits particuliers, et n’a jamais donné aucune prétention à ceux qui l’ont possédé. Mais la distinction du nom de prince dauphin avoit plu à la branche de Montpensier, qui possédoit cette terre, dont quelques-uns ont porté ce titre du vivant de leur père avant de devenir ducs de Montpensier... Le dauphiné d’Auvergne étoit échu à Monsieur par la succession de Mademoiselle, et aussitôt le Cardinal avoit conçu une envie démesurée de l’avoir, etc. » Voyez les Mémoires de Saint-Simon, tome I, p. 217 et suivantes.
  2. 11. Sur le duc d’Albret, voyez la lettre du 3 Février 1696, note 1.