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1398. — DE COULANGES À MADAME DE SÉVIGNÉ ET À LA FAMILLE DE GRIGNAN.

À Paris, le dernier jour de l’an.

Me voici enfin dans la grande ville, où je n’ai pas fait un grand séjour depuis quatre mois ; car vous saurez, Madame, que depuis mon retour de Tonnerre, j’ai partagé six semaines durant mes faveurs entre Versailles et Saint-Martin, où j’ai mené assurément une vie fort agréable ; mais enfin me voici : il faut un peu se rendre à ses femmes et à ses amis de Paris, et ne pas abandonner tout à fait ses parents et ses anciennes connoissances. Tout le monde me dit que je me porte si bien, que j’ai le teint si frais, et que je suis si jeune, que par saint Jean ! je le crois. Enfin voilà le 20e décembre passé, et je suis sur mes pieds comme un autre ; c’est dommage que la saison soit aussi avancée ; car si j’avois pu prévoir une santé aussi parfaite quand j’étois à Ancy-le-Franc, ma foi, ma foi jurée ! j’aurois pris la diligence de Lyon en passant chemin, et à l’heure qu’il est je chanterois Hymen io, ô Hyménée. N’est-il pas vrai, tous mes adorables Grignans, que vous m’auriez bien reçu dans votre magnifique château, et que vous m’auriez admis à votre noce ? À quoi en êtes-vous ? est-ce fait ? la victime est-elle immolée, et le sacrificateur a-t-il bien fait son devoir ? Faut-il vous faire à tous des compliments en forme, et séparément ? Je crois en vérité que vous ne le voulez pas, et que Mme de Sévigné voudra bien, quand vous serez tous assemblés, vous faire la lecture de cette mauvaise lettre, pour distribuer selon les rangs toutes les assurances de mes respects, de mes obéissances, de mes services et de mon très-sincère attachement pour toute l’illustre maison des Adhémars entée sur Castellanne, dont je souhaite la prospérité ès siècles des siècles.