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1694 sûrement ce que l’on vous demande ; mais vous ôtez le plaisir de le savoir par vous-même et de vous en remercier. Par exemple, Madame, je vous écrivis cet été[1] : je vous disois que j’avois quitté toutes les misères de Paris pour venir respirer un peu plus doucement avec ma fille ; je vous suppliois en même temps d’ordonner à M. Boucard de vous donner une entière connoissance des réparations que mon fermier a faites à Bourbilly, et de faire de vous, Madame, et de votre bonté, comme si j’étois dans le pays, hormis que vous avez mille fois plus de mérite, et que vous êtes cent fois plus habile : je ne rabattrai rien de ce calcul. Je mandois en même temps à Boucard que je ne passerois rien à mon fermier de tout le mémoire, qui montoit à neuf cents francs, que vous n’eussiez pris la peine de le faire examiner et de l’arrêter : voilà ce que je souhaitois, et j’en suis encore là ; car du terme de Saint-Jean passé, je n’ai touché que huit cents livres. Ces diminutions font de grands mécomptes. J’espérois même que notre bon curé M. Tribolet feroit un petit tour sur les lieux. Enfin, ma chère Madame, ayant su que vous n’êtes point encore à Paris, et que l’on doute même si vous y reviendrez, je vous écris cette lettre par Lyon droit à Semur, pour vous dire que je vous demande encore toutes ces bontés, et de vouloir bien me répondre avec cette charité qui fait le fondement de toutes mes importunités ; et puis je prendrai la confiance de vous parler un peu de ce qui se passe ici.

Il y a près d’un an que l’on parle d’un mariage pour le marquis de Grignan : c’est la fille d’un fermier général, nommé Saint-Amant. Vous ne doutez pas qu’il ne soit fort riche : il avoit une commission à Marseille pour les vivres. Sa fille aînée a dix-huit ans, jolie, aimable, sage,

  1. 2. Voyez la lettre du 20 juillet précédent, p. 169 et 170.