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1694 n’aurons Mme de Louvois et M. de Coulanges que le 8 du mois qui vient ; ils ont M. de Souvré[1] et Mme de Courtenvaux pour augmentation de bonne compagnie. La maréchale de Villeroi est partie pour passer tout son hiver à Versailles avec sa belle-fille[2] ; nous avons cru être fort fâchées de nous séparer. Au reste, Madame, j’ai vu la plus belle chose qu’on puisse jamais imaginer : c’est un portrait de Mme de Maintenon, fait par Mignard[3] ; elle est habillée en sainte Françoise romaine[4] ; Mignard l’a embellie, mais c’est sans fadeur, sans incarnat, sans blanc, sans l’air de la jeunesse ; et sans toutes ces perfections, il nous fait voir un visage et une physionomie au-dessus de tout ce que l’on peut dire : des yeux animés, une grâce parfaite, point d’atours, et avec tout cela aucun portrait ne tient devant celui-là. Mignard en a fait aussi un fort beau du Roi[5] ; je vous envoie un madri-

  1. 2. Louis-Nicolas le Tellier, marquis de Souvré, lieutenant général de Béarn et de Navarre et maître de la garde-robe, fils puîné de Louvois. Il épousa le 18 février 1698 Catherine-Charlotte, fille unique du comte de Rebenac (voyez tome VI, p. 246, fin de la note 32) et nièce du marquis de Feuquières. Par ce mariage il prit le nom de comte de Rebenac.
  2. 3. La fille de Louvois, récemment mariée au duc de Villeroi : voyez ci—·dessus, p. 137 et note 4.
  3. 4. Ce portrait est au musée du Louvre. « L’esprit et l’âme de celle qui en est l’objet s’y reconnoissent. L’auteur qui l’avait vue dans sa jeunesse en avoit su rappeler les agréments sans altérer le caractère de l’âge, qu’elle avoit alors. » (La Vie de P. Mignard par l’abbé de Monville, 1730, p. 173)
  4. . Fondatrice de la congrégation des Oblates, née en 1384, morte en 1440.
  5. 6. « A peine le portrait de Mme de Maintenon étoit-il fini, lorsque le Roi fit commencer le sien. Vous me trouvez vieilli, disoit ce prince à son premier peintre, qui le regardoit avec une extrême attention. « Il est vrai, Sire, que je vois quelques campagnes de plus tracées sur le front de Votre Majesté… » Ce fut pour la dixième et la dernière fois que Mignard peignit Sa Majesté. » (La Vie de P. Mignard, p. 173.) — Nous ne savons pas où est maintenant ce portrait.