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1694 champêtres et de long cours, et qui fait enfin une vie de campagne, toute pleine de liberté et d’agrément, et une vie que Mme de Louvois goûte de telle sorte, qu’elle ne songe pas qu’il y ait au monde un Fontainebleau ni un Versailles.

Nous arrivons de Tonnerre, où nous avons été recevoir Mme de Courtenvaux[1], qui cavalièrement et honnêtement est partie de Fontainebleau en poste pour venir se ranger auprès de Madame sa belle—mère. Nous avons tous été fort aises de la voir, et nous ne cessons de l’interroger sur les événements du pays d’où elle vient ; cela nous fait une compagnie sans contrainte, et un amusement nouveau. Nous n’avons pas manqué à son arrivée ici de lui présenter l’aimable Amadis, qui est bien l’homme de la meilleure compagnie qu’on puisse entretenir, et qui est assurément d’une grande ressource contre l’ennui. Nous allons sagement et raisonnablement passer ici les fêtes, et puis nous ferons une Saint-Hubert[2], à peu près comme celle que nous fîmes il y a trois ans[3] dans ce royal château de Grignan ; avec cette différence pourtant que si la bête nous échappe, elle ne tombera pas de si haut. Mme de Courtenvaux vient de recevoir toute sorte d’honneurs à Tonnerre ; il y a eu même un bal magnifique, et des mascarades, en sorte qu’elle n’est pas fâchée, non plus que nous, d’être ici en repos loin du monde et du bruit ; car nous n’avons pas même de voisins qui nous puissent tourner à imporunité.

Voilà, Madame, quel est notre état, selon toutes personnes raisonnables beaucoup plus dignes d’envie que de pitié.

  1. Lettre 1389.— 1. La femme du fils aîné de Louvois : voyez la lettre du 15 février 1690, tome IX, p. 459, fin de la note 6.
  2. 2. Le 3 novembre.
  3. 3. En 1691, au retour du voyage de Rome. Voyez ci-dessus, p. 63 et note 5.