Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 10.djvu/206

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1694 mière joie à vos dépens. Jamais un commencement de discours n’a captivé plus agréablement les auditeurs : le château d’Ancy-le-Franc, celui de Grignan, Tonnerre, Grignan, Grignan et Tonnerre, cette égalité, cette balance doit plaire également aux vivants et aux morts. Après cela, vous nous peignez, comme dans un miroir, la beauté, la grandeur, la magnificence, l’étendue de toutes ces possessions, et puis, vous vous écriez : « Comment est-il possible que les seigneurs de tels royaumes aient pu se résoudre à s’en défaire ? » Hélas ! vous le dites dans vos chansons, c’est que depuis très-longtemps l’hôpital étoit attaché à cette maison seigneuriale de Tonnerre ; en voilà la seule et véritable raison : raison où il n’y a pas un mot à répondre, raison qui ferme la bouche, raison enfin qui fait sortir le loup du bois, et qui fait que tout est à Mme de Louvois, et qu’on est encore trop heureux d’avoir trouvé un ministre assez riche pour acheter ces espèces de souverainetés, que vous mettez avec raison bien au-dessus de Parme et de Modène. Pour moi, je comprends le bonheur de ces peuples tout accablés de leur pauvreté et de celle de leurs seigneurs, de se trouver sous la domination d’une femme de grande qualité, petite fille de Gilles[1] et des Mandelots, toute pleine de mérite, de vertus, et de trésors pour répandre à propos dans tous leurs besoins. Quelle douceur ! quelle protection ! et quelle disposition pour crier de tout leur cœur : « Vive Madame ! » C’est la mode du pays de faire des présents, et ces présents leur seront bien rendus. On ne peut rien de plus joli que toutes vos imaginations, ces appa-

  1. 4. Mme de Louvois était arrière-petite-fille de Gilles de Souvré, maréchal de France, mort en 1626, et de Marguerite de Mandelot, dame de Pacy, qui avait épousé le marquis d’Alincourt (de la famille de Villeroi), le 20 février 1588. Voyez ci-dessus, p. 195, note 3.