Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 10.djvu/204

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1694 Adieu, ma très aimable Madame : croyez toujours que je ne suis pas indigne de toute l’amitié dont vous m’honorez, par toute la bonne et très-sincère tendresse que j’ai pour vous. Trouvez bon que je me promène dans ce royal château de Grignan, et qu’allant d’appartement en appartement, je rende tous mes honneurs et mes devoirs à ceux qui les occupent ; il n’est pas nécessaire de vous les nommer, vous comprenez mes intentions à merveilles. Je n’ai seulement qu’à ne pas oublier la chambre de la bonne Martillac. En vérité, je voudrois bien encore me retrouver avec vous, tous tant que vous êtes, et je_n’en veux point désespérer, pour ne pas mourir de chagrin. Mme de Louvois a fort agréablement reçu tous vos compliments, et m’a chargé de vous les rendre avec usure, et de vous supplier d’en distribuer encore de sa part à la belle Comtesse, à la charmante Pauline, et à tout ce qui s’appelle Grignan.

Je crois que vous ne manquez pas de vous bien récrier sur tous les gens qui meurent à Paris ; vous avez été apparemment affligée de la mort de Mme de Poissy[1], par rapport à M. de Lamoignon. On nous mande de Fontainebleau que le pauvre petit capitaine Saint-Hérem a fait une chute à la chasse, et qu’il a la cuisse cassée trois doigts au-dessous de la hanche[2] ; voilà qui est bien mortel pour un homme de son âge, et j’en suis tout à fait fâché. Vous avez fait de belles réflexions,


.

  1. 6. Voyez ci-dessus, p. 157, note 5.
  2. 7. « Lundi 27 (septembre), à Fontainebleau. — Le Roi courut le cerf en calèche avec Mme la duchesse de Chartres, Mademoiselle et Madame la Duchesse. On courut deux cerfs, et comme le second cerf étoit aux abois, un cerf de change bondit et renversa M. de Saint-Hérem ; il a la cuisse cassée, et on craint bien qu’il n’en meure. » (Journal de Dangeau.) — Saint-Hérem (voyez tome II, p. 110, note 3) ne mourut qu’en août 1701, à plus de quatre-vingts ans.