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1694 d’elle dans une liberté charmante ; pour moi, j’y ai mes coudées franches ; mais aussi fais-je dans sa cour un principal personnage. Au surplus, Madame se porte ici beaucoup mieux qu’à Paris ; elle respire un bon air ; et il n’en faut de meilleure preuve, qu’on n’entend parler ici d’aucune maladie qui puisse donner de l’inquiétude : aussi fait-elle état de passer ici la Toussaint, et de ne s’en retourner que comme les grandes personnes. Elle est ravie de n’avoir qu’à se tranquilliser ; et je lui vois faire avec un tel zèle son noviciat de campagne, et même de province, qu’il est comme assuré qu’elle fera profession, et qu’il_ne se passera guère d’automne, quand la cour sera à Fontainebleau, qu’elle ne vienne se reposer ici, et jouir innocemment de tous les plaisirs champêtres. Nous n’avons pas encore eu un moment à nous ennuyer ; pour moi, je me porte si bien, ma bonne humeur et mon appétit sont si bien revenus, et ma veine poétique s’est si bien ouverte, qu’il n’y a sottise dont je ne m’avise ici, pour me réjouir premièrement, et puis pour réjouir mon prochain ; car charité bien ordonnée doit toujours commencer par soi-même. Il faut bien vous faire part de nos chansons et de nos mascarades : les voilà. Vous aurez bien la bonté de les présenter à la charmante Pauline, et d’en faire chorus avec elle ; c’est par là que je vous veux récompenser de l’agréable description que vous me fîtes, il y a quelque temps, de votre débauche de Rochecourbières : je n’en ai jamais vu une telle, et j’ai bien mis cette lettre entre les parfaites que je conserve dans mon trésor. Nous n’aurons pas ici grandes compagnies de Fontainebleau, comme nous l’avions espéré ; les maréchale et duchesse de Villeroi sont tombées malades à Paris, et nous ont fait peur ; mais à l’heure qu’il est, nous sommes rassurés. Le mauvais air, les morts et les maladies y continuent ; mais le principal pour moi est que Mme de