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1694 tite Mme de Séchelles, amie de Mme de Pezeux, fort jolie, et dont Carette disoit qu’il étoit amoureux passionné ; on espéra que cette passion réjouiroit la compagnie, et tout cela se passa de travers. La marquise de Créquy outra la pièce ; M. de Barbesieux, qui survint, parut touché de la petite dame, et le tout pour rendre Carette jaloux ; enfin on en vint si bien à bout, que Carette s’en retourna furieux à Paris, en traitant Mme de Coulanges d’infâme, qui n’avoit amené cette jeune femme que pour la vendre à son cousin ; et Mmes de Louvois et de Créquy, de bonnes confidentes. Enfin cela fut si plaisant, qu’on n’a parlé d’autre chose à Paris ; mais vous croyez bien que tous les acteurs de la pièce n’ont fait qu’en rire, et que tout le ridicule en est tombé sur le marquis de Carette ; si on l’avoit mieux connu, on ne l’auroit point admis en si bonne compagnie. Il a étè longtemps sans revenir voir Mme de Coulanges ; mais enfin, comme elle en avoit affaire, elle a fait marcher le P. Gaillard pour lui demander pardon ; et le Prince paroît à l’heure qu’ il est avoir mis tout son ressentiment sous les pieds du crucifix ; mais comme Mme de Coulanges est retombée après cette pétoffe, il y a bien des gens qui la trouvent hardie d’avoir repris les remèdes de Carette. Voilà grossièrement le sujet de cette pièce, qui a été fort ridicule. Eussiez-vous jamais pris votre amie pour une vendeuse de chair humaine, et de concert avec elle, de telles confidentes que celles que je vous ai nommées ?

Il n’y a rien ici de nouveau ; et puis les nouvelles publiques, et plusieurs particulières vous vont par l’abbé Bigorre et par Mme de la Troche. Mme de Bagnols, qui partit samedi pour Versailles, y est tombée si malade, qu’il la fallut saigner du pied en diligence ; cela est fort commode pour les gens qui lui prêtent leur appartement ; mais aussi que va-t-elle faire dans cette galère ? Voilà son