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venu fort doucement, nous ne savons pourquoi ; il n’y a ni rimes ni raison à la conduite des postes. Cette épître de M. de Nevers nous a paru jolie, fort agréable : es de Lope[1] ; enfin tout ce qui vient de lui a un caractère si particulier et si bon, qu’on ne peut souffrir les autres. Les deux derniers vers de la chanson qu’il a faite pour vous, ont charmé ma fille, en qualité de cartésienne; en parlant des bons vins d’Italie :

Sur la membrane de leurs sens
Font des sillons charmants.

[2]

Il faudroit tout louer : par exemple est-il rien de plus plaisant dans son épître, que cette chanterelle humaine tirée au plus haut point; et cette autre extrémité de cent croches, en roulant en bas jusques au fond des abîmes? cette peinture est tout à fait jolie, et cet opéra[3] dont il

  1. C’est-à-dire « c’est excellent. » Voyez tome V, p. 506, note 6.
  2. Voici le passage de la chanson du duc de Nevers où se trouvent les deux vers que cite Mme de Sévigné:

    Le vin le plus fin
    Et le nectar de la Toscane,
    Verdée et Carmignane,
    Et Mont-Alcin,
    Sur la membrane de leurs sens
    Font des sillons charmants.

    (Note de l’édition de 1818.) La chanson tout entière est citée dans les Mémoires de Coulanges, p. 223 et 224. — Voyez le traité de l’Homme de Descartes (édition de M. Cousin), tome IV, p. 396 et suivantes,

  3. Cet opéra, représenté avant la mort d’Alexandre VIII, était de son neveu, Pierre Ottoboni, fait cardinal par lui à l’âge de vingt-deux ans et trois mois. Christophe Colomb en était le héros. (Coulanges donne à cet égard des détails curieux ; il cite dans ses Mémoires (p. 227 et 228) les vers qui avaient plu à Mme de Sévigné, et qui ne manquent point d’originalité :

    L’un d’un gosier tranchant, sur des tons glapissants,
    Tire tout au plus haut la chanterelle humaine,
    Et l’autre à même temps,
    De son agilité voulant faire parade,
    De cent croches ne fait qu’une seule tirade.

    (Note de l’édition de 1818.)