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1694 à Dieu en faveur d’un tel philosophe ? Pour moi, il ne me vient jamais que ce que dit saint Augustin d’un religieux qui déserta le christianisme : « C’est qu’il n’étoit pas d’avec nous, car s’il avoit été[1]… » vous savez le reste.

Il est vrai qu’on a pensé enterrer toute vive cette pauvre petite la Fayette[2], et l’histoire que vous me contez fait grand’peur. Mais on est bien empêché, car vous saurez, Madame, qu’on me mande de Caen, qu’une Mlle de Guinée, nièce d’un abbé que vous avez peut-être connu, étoit malade[3]de la petite vérole : elle eut des convulsions, on la crut morte ; on lui voulut tirer le cœur, pour le mettre dans un couvent qu’elle aimoit : elle cria quand on commença de lui faire cette petite opération ; on fut étonné, comme vous pouvez penser ; on lui fit des remèdes, elle guérit, mais non pas de l’incision qu’on avoit commencée ; car il faisoit fort chaud, et la cangrène[4]s’y mit, et elle en est morte. Ainsi, ma chère Madame, histoire de tous côtés : on ne sait quel parti prendre. Mais le pauvre M. du Bois, j’y ai un regret extrême[5].

  1. 5. Voyez tome VIII, p. 5IO, note 22.
  2. 6. Sans doute la petite-fille de l’amie de Mme de Sévigné, la fille unique du marquis de la Fayette (lequel mourut au commencement du mois suivant) et de Jeanne-Madeleine de Marillac (voyez tome IX, p. 354, note 16) : Marie-Madeleine de la Fayette, alors âgée d’env1son trois ans, qui épousa en 1706 le prince de Tarente (plus tard duc de la Trémouille), et mourut à vingt-six ans, le 6 juillet 1717.
  3. 7. Après avoir écrit : « est morte », Mme de Sévigné y a substitué : « étoit malade. »
  4. 8. Voyez ci-dessus, p. 5 et la note 1.
  5. 9. « M. Dubois est mort à Paris (d’une fièvre maligne, le 1er de juillet 1694 : voyez le Mercure de juillet, p. 251) ; il étoit de l’Académie françoise, et il n’y avoit pas longtemps qu’il y avoit été reçu (le 12 novembre 1693) » Journal de Dangeau, au 1er juillet. — Ce passage de Dangeau et celui de la note 4 nous font dater la lettre du 20 juillet ; nous avions cru lire sur l’autograpbe le « 10e juin ; » mais il est aisé de s’y tromper, car Mme de Sévigné, dont la grande écriture est d’ordinaire si ferme et si belle, avait l’habitude en datant de n’écrire