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1694

1381. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À COULANGES[1].

À Grignan, le 5e juillet.

Vous me faites respirer en me disant que Mme de Coulanges est bien mieux : sa dernière lettre m’avoit tellement affligée, que je n’en pouvois plus ; je suis fâchée que Carette la quitte ; je veux qu’il laisse le maréchal de Bellefonds, comme son maître garçon, pour la conduire dans la suite de ses remèdes.[2]C’ est une cruelle chose que de mettre sa vie entre les mains d’un médecin qui croit fermement qu’il va prendre possession d’une souveraineté en Italie[3] ; je vous demande la suite d’une histoire où je prends tant d’intérêt. Je plains bien Mme de Louvois de toutes ses craintes : c’est le malheur attaché au

  1. Lettre 1381. — 1. Il paraît qu’on a supprimé de cette lettre tout ce que Mme de Sévigné répondait sur le mariage de son petit-fils. (Note de l’édition de 1818.)
  2. 2. Le maréchal de Bellefonds s’occupait-il de recettes et de remèdes ? Il en avait enseigné un à Racine pour les extinctions de voix. Voyez la lettre de Racine à Boileau du 13 août 1687.
  3. .3. « Enrichi et en honneur, en dépit des médecins et avec des amis considérables, il se mit à faire l’homme de qualité et à se dire de la maison Caretti, héritier de la maison Savoli ; que d’autres héritiers plus puissants que son père lui avoient enlevé cette riche succession et son propre bien, et l’avoient réduit à la misère et au métier qu’il faisoit pour vivre. On se moqua de lui et ses protecteurs mêmes ; personne n’en voulut rien croire ; il le maintint toujours, et se trouvant enfin assez à son aise, il dit qu’il s’en alloit tâcher de faire voir qu’il avoit raison, et il obtint de Monsieur une recommandation de sa personne et de ses intérêts pour le grand-duc. Il fit après quelques voyages à Bruxelles et quelques cures aux Pays-Bas, et repassa ici allant effectivement en Italie. Au bout de quatre ou cinq ans, il gagna son procès à Florence, et le grand-duc manda à Monsieur que sa naissance et son droit avoient été reconnus ; qu’il lui avoit été adjugé cent mille livres de rente dans l’État ecclésiastique, et qu’il croyoit que le pape l’en alloit faire mettre en possession. En effet, cet empirique vécut encore longtemps grand seigneur. » (Saint-Simon, tome II, p. 136 et 137.)