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1694 pas à l’heure qu’il est en avoir la jambe moins bien tournée. Voilà qui est dit, je ne vous en parlerai plus.

Mme de Coulanges vous a mandé de ses nouvelles, qui ne sont point encore trop bonnes : elle eut avant-hier une très-mauvaise nuit ; mais les remèdes qu’elle prend ne peuvent pas la guérir sur-le-champ, il faut bien se donner quelque patience. Qui en mourra assurément, c’est l’abbé Têtu, qui ne peut souffrir ni la personne, ni la conversation de Carette, et à tel point, qu’il a déserté la maison de Mme de Coulanges, parce que Carette la vient voir tous les jours, et passer avec elle des temps infinis. Mme de Coulanges est bien de même goût que l’abbé ; mais quand il y va de la vie, il sait bien peu faire, qui cela ne sait faire, et l’abbé, qui veut être le maître partout, admire Mme de Coulanges, et trouve mauvais entre cuir et chair qu’elle ne se défasse pas de Carette, puisqu’il lui déplaît. L’abbé a trouvé mauvais encore qu’elle eût mis un oranger chargé de fleurs dans sa galerie : en un mot, il est bien extraordinaire, et je crains que la transmigration qu’il fera sans doute quelque jour, au sortir au quartier de Saint-Paul, où il va se loger, ne soit au quartier des incurables, pour adoucir le mot de la retraite par où il finira vraisemblablement. Je n’ai point entendu parler des Chaulnes depuis l’affaire de Brest, qui s’est passée à souhait pour eux. Le blé et l’avoine sont ici toujours fort chers, et les maladies et les morts très—fréquentes. La Péraudière, frère de M. de Valentiné[1], est mort en deux fois vingt-quatre heures ; mais qui est assez malade, et dont je suis bien en peine, c’est de Mme de Louvois : elle a une petite fièvre, des frissons

  1. 3. Sans doute le mari de cette Mme de Valentiné dont il a été question au tome III, p. 83, et tome V, p. 90. Elle mourut en 1713 : voyez le Journal de Dangeau, tome XIV, p. 392.