1694 conseillera jamais à M. de Barbesieux de se remarier, par l’impossibilité de trouver une femme aussi parfaite ; mais pour moi, je lui conseillerai le contraire, s’il veut bien en prendre une de ma main ; car je connois un petit chef-d’œuvre[1], non pas en toutes richesses méprisables et périssables, mais en toutes perfections rares et adorables, qui peut très-aisément lui faire oublier ce qu’il a perdu, et le rendre le plus heureux de tous les hommes. Après avoir bien pleuré et lamenté trois jours dans sa petite maison de Lestang[2], il s’en retourna samedi au soir à Versailles et à son devoir. La duchesse de Villeroi est venue ici passer quelques jours auprès de sa mère ; pour moi, je m’en vais demain, avec mes foibles pieds, porter mes mauvais bras à Saint-Martin[3], où je serai quelque temps avec le cardinal de Bouillon ; je voudrois bien que l’air de Saint-Martin pût remettre mes épaules dans leur devoir ; mais il fait une sécheresse et un diable de vent tout propre à rendre malade, bien loin de guérir : avez-vous le même temps à Grignan ? C’est enfin demain le départ de Mme de Sévigné et de M. le chevalier de Grignan ; voilà des hôtes qui ne vous déplairont assurément point ; plût à Dieu que je pusse les accompagner ! mais ce qui est différé n’est pas perdu ; je crois fermement encore que je m’y retrouverai quelque jour, dans l’admiration de toutes vos grandeurs ; car ce chapitre d’un côté, tous ces écussons en manteau ducal de l’autre, ce château magnifique, ces appartements si bien meublés, toutes ces tables dans la galerie, tout le monde qui va et vient, et ce Comte et cette Comtesse, qui remplissent si bien ce château, et qui y font si bonne chère à leurs amis, sont en vérité pour
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