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1694 il y a quatre mois qu’il ne dort point, c’ est une chose terrible ; sa crainte est de perdre la raison, qui est une grande perte pour lui, et de ne pas mourir. Sa vie n’est plus qu’une tristesse perpétuelle ; il est fort changé ; il a eu de ces sortes d’insomnies dont il s’est tiré, mais celle—ci est d’une longueur qui l’épouvante : son état fait une extrême pitié. Écrivez-moi, Madame, avant que je parte ; il sera consolé de votre souvenir, que je lui ferai voir. Je vous demande de faire mes compliments à notre premier ministre[1] ; car par vous il devient le mien, et je lui suis obligée de l’intérêt qu’il prend à moi. Je trouve en lui ce que je ne trouve pas aux gens payés pour cela. Je le plains d’avoir perdu Madame sa mère. Je compterai cependant, ma chère Madame, sur le terme de Saint-Jean, que je ferai toucher à Paris, chez moi, et dont l’emploi sera bientôt fait. Je disposerai M. Boucard à cette lettre de change, malgré la grêle ; et M. le président de Berbisy me servira dans cette occasion, comme il fait toujours. Je finis, ma chère Madame, et je souhaite que vous ayez toujours quelque sorte d’amitié pour moi, non pas comme celle que j’ai pour vous (il faut être juste), mais comme votre cœur reconnoissant vous l’inspirera. Écrivez-moi encore un billet avant le 8 mai ; pour moi, je vous écrirai, de quelque lieu que je sois, me trouvant plus près de vous à Grignan qu’à Paris.

Suscription : A Madame, Madame la comtesse de Guitault.

  1. 4. Le curé Tribolet. Voyez la lettre du 31 mars précédent, p. 139.