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1694 écus bien juste ; c’ est une jolie petite fille, toute destinée, et par elle et par ses parents, à un homme de la ville : on croit même qu’elle n’ira pas loin, et qu’elle n’aura qu’à passer le ruisseau pour épouser M. d’Aguesseau. Voilà qui ne paroît point encore destiné pour nous. Si vous ne pouvez décider entre vos deux extrémités, donnez-vous du repos, vous n’avez plus rien entre vos mains ; Monsieur le chevalier crie miséricorde pour l’or.[1]

Oh ! mon Dieu, qu’il y en avoit hier chez Mme de Louvois ! Mme de Chaulnes m’y mena, et Coulanges nous y reçut fort bien. Mme la maréchale de Villeroi nous dit qu’elle nous attendoit avec impatience, et que Monsieur et tous les princes qui sortoient de là ne lui avoient point ôté cette attention. Vous m’avouerez que cela est bien obligeant. Elle étoit habillée comme une reine mère, et Mme de Louvois, de nuit. Je dis à cette dernière que je lui faisois vos compliments, et que sans avoir envoyé aucun courrier, vous saviez le jour de cette fête, et que vous m’aviez priée de faire vos compliments avec les miens ; elle les reçut très-agréablement, et me pria bien sérieusement de vous en faire mille remerciements. La petite mariée étoit toute brillante d’or et de diamants ; elle me parla de Pauline avec un petit air honteux, comme si elle n’eût pas été digne de la nommer. Toutes les cousines et les sœurs avoient de beaux habits tout neufs, de différentes couleurs, avec beaucoup de pierreries : cela faisoit le plus bel effet du monde, comme l’émail d’un parterre. Nous trouvâmes d’abord pour notre consolation Mme de Moucy[2] et sa troupe, Mme la maréchale de Créquy ; et l’on étoit si occupé à voir tous ces beaux appartements, si bien parés, qu’on n’avoit pas le temps de

  1. 8. Voyez la lettre précédente, p. 140 et 141.
  2. 9. La sœur du premier président de Harlay.