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1694 Nous revîmes hier M. du Coudray[1] ; il avoit assez bien dîné avec ses amis en partant du Coudray[2]. Il est aimable ; il est aisé de l’aimer ; l’amitié qu’il a pour vous réverbère sur moi, car Monsieur le chevalier marche tout seul. Il me dit une chose qui me jeta dans mon baquet plus d’une heure. Il pâmoit de rire. Il vous écrivit un fort joli fagotage de toutes sorts d’ingrédients : Pauline trouvera sa part. Je vous assure que mon cher comte trouve la sienne ici, et M. de la Garde ; je le prie de trouver bon que je le compte beaucoup dans la joie que je vais chercher à Grignan.

M. et Mme de Chaulnes parlent souvent de la belle Comtesse. Le courrier qui est allé à Rome pour M. de la Châtre[3]vous a porté une lettre. Ils attendent à tout

  1. 14, Rouillé du Coudray, procureur général de la cour des comptes, membre du conseil des finances en 1715 ; il était frère aîné de Rouillé, ambassadeur en Portugal, et sans doute parent de Rouillé de Meslai, l’ancien intendant de Provence. Saint-Simon, qui en fait le portrait (tome III, p. 190 et I91), dit de lui qu’il « ne se déridoit qu’avec des filles et entre les pots. » Il dit encore dans une longue note au Journal de Dangeau (tome XVI, p. 188) : « Rouillé étoit un homme de beaucoup d’esprit, fort capable en beaucoup de choses… d’une érudition vaste en histoire, en belles-lettres et en beaucoup de connoissances utiles et agréables. Avec toutes ces connoissances, c’étoit un ours mal léché, rustre, grossier, brutal et qui s’en faisoit gloire, sans mœurs aucunes… avec cela un saltimbanque dont les railleries et les extravagances déshonoroient le caractère, qui s’enivroit journellement et faisoit montrer dans cet état et qui y donnoit des scènes continuelles et publiques, qui à soixante-douze ou treize ans qu’il avoit à la mort du Roi, alloit au bal de l’Opéra y vomir et y faire cent sottises, et qui fit revenir les comédiens italiens, chassés depuis longtemps, et se fit leur protecteur et leur économe. »
  2. 15. Probablement le Coudray-Montceaux, au delà de Corbeil, sur la rive gauche de la Seine. Mais il y avait un autre Coudray, non loin du Bourget et de Blancmesnil.
  3. 16. Louis de la Châtre, comte de Nançai, marquis de la Châtre, fils de celui qui périt à Gigeri en 1664 (voyez le Mercure de mai 1694, p. 301). Il était alors colonel d’un régiment qui portait son nom,