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1694

* 1369. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À LA COMTESSE DE GUITAUT.

Paris, mardi 2e février.

Je reçois, Madame, un arrêt du conseil d’en haut de M. l’abbé Tribolet, qui me taxe à donner aux pauvres de mes villages vingt boisseaux de blé par mois ; il ne dit point jusques à la récolte, mais je le suppose ; car ce seroit une étrange chose, et me mettroit quasi au nombre de ceux à qui je donnerois, si cela duroit toujours. Il m’assure que si j’en appelle à votre tribunal, je n’en serai pas quitte à meilleur marché ; cela ne m’empêcbe point d’y avoir recours et de m’y soumettre entièrement. Voyez donc, ma chère Madame, si une personne qui n’est pas trop bien payée de son bien, qui n’est pas sans dette[1], et qui a peine à trouver le bout de l’année, doit obéir aveuglément à Monsieur notre curé. Je suis persuadée que rien ne se prendra sur les deux mille francs que mon fermier me doit envoyer incessamment, et sur quoi je compte, et que cette charité ne durera que jusques à la moisson. Avec ces deux précautions et les considérations que je vous ai fait faire d’abord, vous n’avez, ma chère Madame, qu’à ordonner et dire ce que vous voulez que je donne par mois, et ce sera une chose faite. Sans me vanter, j’ai de petites charités d’obligation en ce pays-ci ; mais il n’importe, vous n’avez qu’à prononcer, et vous serez promptement obéie . voilà toute la réponse que je ferai à mon curé.

La M. de Sévigné.


Suscription : A Madame, Madame la comtesse de Guitault.


  1. Lettre 1369 (revue sur l’autographe). — 1. Le mot dette (debte) est au singulier dans l’original.