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1693 roître précieux et digne de la bonne opinion que j’en ai toujours eue. Voilà, Madame, le fond de mon cœur ; mais je vais vous dire une chose : c’est que lui ayant parlé de vous dans mon langage de votre dupe, dont je ne puis me défaire, il ne s’en faut guère que je ne l’aie trouvé aussi dupe que moi ; ainsi, Madame, ne croyez pas que je puisse jamais faire scrupule d’avoir des sentiments pareils aux siens.

Il est bien fâcheux de passer de ce discours à ceux dont votre bonté veut bien m’entretenir ; vous devez bien les mettre sur le compte de votre charité : j’en fais juge Monsieur le curé de Saint-Jacques, que j’honore infiniment. Je vous remercie donc, Madame, du terme de Noël, que Boucard même m’assure que je recevrai. Sans vous, qui voyez clair et qui avez en main un homme qui offre 4600tt de ma terre, je ne me serois jamais tirée de tous les dédommagements et diminutions dont il ne cesse de m’entretenir ; mais vous lui fermez la bouche, en disant : «  Eh bien ! si vous perdez, voulez-vous quitter votre bail ? » On voit par là qu’il ne croit pas faire un mauvais marché de tenir sa parole, c’est-à-dire son bail ; il se croirait un lâche de le céder à un autre. Je suis fâchée, ma chère Madame, que mon pauvre fermier vous paroisse suffisamment[1]sot. Il me semble que l’esprit est si bon à toutes choses, que tout va mal quand on en manque. Nous verrons ce que son travail et la cherté des blés pourront faire en ma faveur. Je suis persuadée que M. Rochon sera bien de votre avis pour ne rien diminuer, la ferme étant de six ans. Je vous envoie son mémoire. Je vous supplie, Madame, que ces pauvres tierceurs ne viennent point ici : hélas ! que vien-

  1. 5. Mme de Sévigné avait mis d’abord : « vous paroisse un sot, » puis elle a effacé un, et écrit, suffisamment au-dessus de la ligne.