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1693

* 1365. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À LA COMTESSE DE GUITAUT.

À Paris, ce 26e novembre 93.

Je vous avoue, ma chère Madame, qu’on ne peut pas être plus parfaitement consolée que je le suis de la perte de M. Hopines[1]. C’étoit un bon homme, un bon docteur, de fort bonnes maximes ; mais ses manières étoient si grossières, que j’avois beaucoup de peine à les supporter. Dès qu’il fut mort, il me parut que si le père prieur de Sainte-Catherine[2], que j’estime depuis longtemps, vouloit prendre soin de ma pauvre âme, je serois trop heureuse : je lui demandai, il me parut qu’il ne me refusoit point, et depuis ce temps je ne suis appliquée qu’à prendre sur moi de ne point abuser de son temps. Il a bien de l’esprit, j’aimerois fort à causer avec lui ; mais je respecte ses occupations, son esprit de retraite ; en un mot, j’entre dans le goût qu’il a de ne point ressembler à ses voisins[3], et je le traite à sa mode, qui est aussi tout à fait la mienne ; car plus je vois de certaines femmes ne parler que de leur directeur, dîner avec lui, le recevoir en visite, avoir toujours un carrosse prêt pour toutes leurs visites[4], plus la vie retirée de ce père et sa solitude me le font pa-

  1. Lettre 1365 (revue sur l’autographe). — 1. Ce nom est douteux : on peut lire Hopines ou Hopinet. — À la ligne précédente, devant le mot suis, Mme de Sévigné avait d’abord écrit la, qu’elle a ensuite corrigé en le.
  2. 2. Sainte-Catherine de la Couture (autrefois Sainte-Catherine du Val-des-Écoliers). Voyez tome VIII, p. 356, note 2, et l’Histoire de Paris de M. Lavallée, tome II, p. 78 et 79. C’était depuis 1629 un prieuré de génovéfains.
  3. 3. La maison professe des jésuites dans la rue Saint-Antoine était tout près de Sainte-Catherine.
  4. 4. Ces mots : « avoir toujours, etc., » ont été sautés dans la première édition (1814). On lit bien dans l’original : « leurs visites, » comme si plus haut il y avait « leurs directeurs, » au pluriel.