1693
* 1365. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À LA COMTESSE DE GUITAUT.
Je vous avoue, ma chère Madame, qu’on ne peut pas être plus parfaitement consolée que je le suis de la perte de M. Hopines[1]. C’étoit un bon homme, un bon docteur, de fort bonnes maximes ; mais ses manières étoient si grossières, que j’avois beaucoup de peine à les supporter. Dès qu’il fut mort, il me parut que si le père prieur de Sainte-Catherine[2], que j’estime depuis longtemps, vouloit prendre soin de ma pauvre âme, je serois trop heureuse : je lui demandai, il me parut qu’il ne me refusoit point, et depuis ce temps je ne suis appliquée qu’à prendre sur moi de ne point abuser de son temps. Il a bien de l’esprit, j’aimerois fort à causer avec lui ; mais je respecte ses occupations, son esprit de retraite ; en un mot, j’entre dans le goût qu’il a de ne point ressembler à ses voisins[3], et je le traite à sa mode, qui est aussi tout à fait la mienne ; car plus je vois de certaines femmes ne parler que de leur directeur, dîner avec lui, le recevoir en visite, avoir toujours un carrosse prêt pour toutes leurs visites[4], plus la vie retirée de ce père et sa solitude me le font pa-
- ↑ Lettre 1365 (revue sur l’autographe). — 1. Ce nom est douteux : on peut lire Hopines ou Hopinet. — À la ligne précédente, devant le mot suis, Mme de Sévigné avait d’abord écrit la, qu’elle a ensuite corrigé en le.
- ↑ 2. Sainte-Catherine de la Couture (autrefois Sainte-Catherine du Val-des-Écoliers). Voyez tome VIII, p. 356, note 2, et l’Histoire de Paris de M. Lavallée, tome II, p. 78 et 79. C’était depuis 1629 un prieuré de génovéfains.
- ↑ 3. La maison professe des jésuites dans la rue Saint-Antoine était tout près de Sainte-Catherine.
- ↑ 4. Ces mots : « avoir toujours, etc., » ont été sautés dans la première édition (1814). On lit bien dans l’original : « leurs visites, » comme si plus haut il y avait « leurs directeurs, » au pluriel.