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1693 comme je dois agir à l’égard de mon meunier. Hébert, dont M. Tribolet me vante tant la droiture, a laissé accumuler par sa négligence une assez grande quantité de grains ; il est question dans le dernier compte qu’il me va rendre, de prendre ces grains que lui doit le meunier, pour argent comptant. Il faut premièrement savoir combien il y en a, et puis on verra s’il est en état de me les payer. Voyez la belle manière de recevoir le revenu d’une terre ! Au lieu de se faire payer à mesure, et vendre le blé et les autres grains aussi cher qu’on le peut, on les laisse entre les mains du meunier ; et puis ce pauvre homme, me dit-on, aura bien de la peine à les payer : je vois que par de nouveaux intérêts on oseroit lui toucher[1]. Si on le ruinoit[2], le nouveau fermier, qui est l’homme de Boucard, auroit bien de la peine à en trouver un autre ; ce seroit un commencement de prétexte à me mal payer ; et cependant, moi qui n’ai pas besoin de diminuer mon revenu de la moindre chose, je suis toujours sur le point d’être condamnée à perdre : il n’y a rien de plus commode et de plus tôt fait que de tout jeter sur mon dos. Ma chère Madame, je me jette entre vos bras, causez de tout cela en vous promenant doucement ; point d’écriture, point de jetons[3], ôtez-moi tout cela ; je ne veux que vous faire discourir avec ceux que vous choisirez, pour dire : « Voila comme il faut que

  1. 8. Tel est le texte assez obscur de l’autographe. Sans doute le ne est omis après on (comme plus haut, p. 111, note 12), et peut-être Mme de Sévigné veut-elle dire que de nouveaux intérêts feraient qu’on n’oserait les lui toucher, les lui faire payer. Dans les premières éditions les mots : « on oseroit lui toucher, » avaient été remplacés par : « il faudra le ménager ; » la dernière avant la nôtre donne : « on useroit sans toucher. »
  2. 9. Dans l’édition de 1814 : « si on le minoit. »
  3. 10. Les éditions précédentes portent : « » gestions. » —— Le bon abbé aussi comptait, comme Argan, avec des jetons : voyez tome II, p. 240.