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1693 avoit dans le cœur, et qui a interrompu la circulation et frappé en même temps tous les nerfs, de sorte qu’elle n’a eu aucune connoissance pendant les quatre jours qu’elle a été malade. Mlle Pestier, qui est une personne admirable, ne l’a quittée ni jour ni nuit, avec une charité dont je l’aimerai toute ma vie ; elle vous pourra dire que[1] tout cela s’est passé comme je vous le dis, et que pour notre consolation, Dieu lui a fait une grâce toute particulière et qui marque une vraie prédestination : c’est qu’elle se confessa le jour de la petite Fête-Dieu[2], avec une exactitude et un sentiment qui ne pouvoit venir que de lui, et reçut Notre-Seigneur de la même manière. Ainsi, ma chère Madame, nous regardons cette communion, qu’elle avoit accoutumé de faire à la Pentecôte, comme une miséricorde [de] Dieu, qui nous vouloit consoler de ce qu’elle n’a pas été en état de recevoir le viatique. J’ai senti dans cette occasion un fonds de religion, qui auroit redoublé ma douleur si je n’avois point été soutenue de l’espérance que Dieu lui a fait miséricorde. Voilà, ma chère Madame, ce que [je] n’ai pu m’empêcher de vous dire ; vous me le pardonnerez par les sentiments que vous savez bien que j’ai pour vous, qui m’ont poussée à vous ouvrir mon cœur sur un sujet qui le touche si fort : j’aurois encore bien plus abusé de vous si vous aviez été ici. Après cela il faut démonter mon esprit[3] pour faire réponse à votre lettre.

  1. 4. Mme de Sévigné avait d’abord écrit : « elle vous pourra dire que je dis, puis elle a effacé que je dis, et continué par : que tout cela, etc.
  2. Petite fête, c’est d’ordinaire une octave, comme la petite Fête-Dieu, qui est l’octave de la fête du saint sacrement. » (Dictionnaire de Furetière.)
  3. 6, Mme de Sévigné a déjà employé cette expression dans sa lettre du 6 Juillet 1670, tome II, p. 4. Comparez encore tome I, p. 549, un emploi analogue de démonter. Ici l’édition de 1814, avait substitué démontrer.