settes de Fouquet, qui renfermaient non-seulement d’importants papiers politiques, mais aussi beaucoup de lettres galantes. Fouquet paraît avoir classé avec trop peu d’ordre
sa correspondance familière ; car il avait mis des lettres de
madame de Sévigné parmi ses nombreux billets doux. On
peut juger si l’on glosa sur les cassettes ; on en glose encore
aujourd’hui. Tout le monde sut bientôt que l’écriture de madame de Sévigné s’y était trouvée ; et ce fut un texte aux plus
malins commentaires. Il faudrait peu connaître le monde pour
ne pas savoir combien, en cas pareil, une femme a de peine
à se justifier. C’est la surtout que le vrai n’est jamais vraisemblable, que la preuve de l’innocence est presque toujours
impossible à donner, que l’admettre est une simplicité dont
chacun fuit le ridicule, et que personne, dans ces assassinats
d’honneur, ne se fait scrupule de donner en riant son coup de
poignard. Cependant madame de Sévigné, cruellement blessée,
travailla avec ardeur à cette difficile justification. Elle réclama
instamment les bons offices de ses amis, les suppliant de rétablir partout la vérité. Ses deux anciens maîtres, Ménage et Chapelain, furent au nombre de ceux au vieil attachement de qui
elle fit appel. On n’a point la lettre qu’elle dut écrire à Chapelain ; mais celle qu’elle reçut de lui, le 3 octobre 1661, et que
l’on trouvera publiée pour la première fois dans cette édition,
nous paraît être une réponse. Chapelain l’a écrite de sa plus
belle plume académique, sur un ton un peu emphatique et solennel, et avec une autorité qui sent son personnage de poids
et d’importance, mais en même temps avec un accent d’honnête homme. « J’ai, dit-il, battu la campagne, contre mon
ordinaire, et, au milieu de mes pertes et de mes morts, couru
tous les réduits ou l’on a créance en mes paroles. » Il pouvait,
en connaissance de cause, justifier madame de Sévigné ; car il
tenait « des personnes les mieux informées, » disait-il, que ses
billets n’étaient que des remercîments aimables écrits à Fouquet, pour les services qu’il avait rendus à M. de la Trousse.
Chapelain le devait savoir en effet de M. de la Trousse lui-même, dont il avait été longtemps le précepteur et dont toutes
les affaires lui étaient confiées. Madame de Sévigné fut sans
doute reconnaissante de son zèle ; mais nous doutons qu’elle
ait été contente de sa lettre. Elle ne devait pas aimer qu’on
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NOTICE BIOGRAPHIQUE