mettre en main, je ne fais la mienne, ce sera votre faute assurément ; mais vous en aurez soin ; car enfin il faut bien que
vous me serviez à quelque chose... La fortune vous fait de
belles avances, ma chère cousine, n’en soyez point ingrate ;
vous vous amusez après la vertu, comme si c’étoit une chose
solide[1]. » Nous savons bien que cette lettre, quand on la lit
tout entière, est tournée de façon qu’elle peut paraître un badinage, où les conseils malhonnêtes ne seraient qu’une louange,
un peu librement assaisonnée, de la vertu de madame de Sévigné, Les gens d’esprit, quand ils s’avancent sur un mauvais
terrain, tâchent de ne se pas découvrir tout à fait. Mais la méprisable insinuation du tentateur, enveloppée dans la plaisanterie, n’en est pas moins là. Madame de Sévigné prenait le bon
côté, ne se fâchait pas, et n’en pensait pas moins sans doute
que Bussy méritait peu d’estime. Pour que ses lettres, qui
l’amusaient, ne fussent pas trop compromettantes, elle avait
pris le sage parti de les montrer à la marquise de la Trousse, sa
tante ; et elle en avait donné avis à Bussy. Elle le laissa plaider en riant pour le cousin de Sa Majesté, et sut se faire oublier bientôt par le dangereux admirateur qui avait daigné
l’honorer de trop d’attention.
Un homme, qui n’était pas un prince, mais plus puissant, plus riche et plus magnifique qu’un prince, mit aussi, dans le même temps, à une périlleuse épreuve la sagesse de madame de Sévigné, s’il avait pu y avoir un péril pour une vertu si douce, mais si ferme. Lorsque Boileau a dit, en pensant à Fouquet :
- Jamais surintendant ne trouva de cruelles,
il avait oublié madame de Sévigné. Il est vrai que l’exception
ne faisait que confirmer la règle. Ce monarque des finances,
« dont les desseins étoient infinis pour les affaires, aussi bien que
pour la galanterie[2], » n’était pas habitué à rencontrer de résistance. Tout était à ses gages, la beauté comme le reste. « On
voyoit, dit madame de Caylus dans ses Souvenirs, les plus hautes