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SUR MADAME DE SÉVIGNÉ.


madame de la Vergne, ou, pour lui donner le nom qu’elle portait alors, chez madame Renaud de Sévigné, qui, depuis deux ans, était mariée à ce Sévigné, le chevalier de Malte, le Corinthien, et dont la fille, plus tard la comtesse de la Fayette, devint une des plus fidèles amies de madame de Sévigné ; enfin de temps en temps peut-être, rue de la Beauce, dans la ruelle littéraire et précieuse de mademoiselle de Scudéry, où venait fidèlement, le samedi, « la plus grande et la plus illustre partie de ceux qui écrivoient[1], » et où madame de Sévigné pouvait rencontrer ses maîtres, Chapelain et Ménage.

Cette société, dont nous n’avons pu faire qu’une bien incomplète revue, n’était pas seulement très-propre, par sa politesse, à former l’esprit. Elle avait aussi bien des entraînements et des séductions. Il y régnait, au milieu de ces temps de guerre civile, une fièvre de plaisirs et de galanterie. Ce fut le moment le plus difficile de la vie de madame de Sévigné, une dangereuse épreuve à traverser. Jeune, belle, aimable, entourée, même avant son veuvage, d’une foule d’adorateurs que son isolement allait enhardir, elle n’avait d’autre protection, d’autre sauvegarde, au milieu de ces temps licencieux de la Fronde, que ses deux très-jeunes enfants.

Bussy, dans son Histoire amoureuse, dit qu’il fut le premier qui lui parla de choses agréables et bientôt après d’amour. Cependant on ne l’avait peut-être pas attendu. Il n’était pas à Paris, quand l’aimable veuve y revint. Après que les princes avaient été mis en liberté, il s’était décidément brouillé avec Condé, que depuis longtemps il ne servait qu’à regret. Ayant reçu en octobre 1651 un brevet de maréchal de camp, il eut l’ordre d’aller dans le Nivernais servir la cause royale et ne reparut à Paris qu’un an après, en octobre 1652[2]. Il n’y fit même que passer alors, et ce ne fut que du mois de février au mois d’octobre 1653, dans le temps où il obtint la charge de mestre de camp général de la cavalerie légère, qu’il put faire un assez long séjour dans le voisinage de sa cousine, et se remettre

  1. Somaize, Dictionnaire des Précieuses (Bibliothèque elzévirienne), tome I, p. 215.
  2. Mémoires de Bussy, tome I, p. 339.