quelque événement de sa vie, de quelque pensée, de quelque
sentiment[1].
Pendant les premières années de leur mariage, M. et madame de Sévigné quittèrent peu les Rochers. On les avait à peine revus quelque temps à Paris, et ils s’étaient de nouveau retirés dans leur désert, au mois de mars 1646, lorsque Bussy et Pierre Lenet, autre Bourguignon, qui avait aussi beaucoup d’esprit et qui était un des amis avec qui madame de Sévigné avait le plus ri dans sa première jeunesse, leur écrivirent cette agréable épître en vers où ils les appelaient immeubles de Bretagne, et leur reprochaient de passer le plus beau temps de leur vie au milieu des honneurs peu divertissants de seigneurs de village : deux vers de cette épître :
Nous prierons aussi pour Madame
Qu’elle accouche sans sage-femme,
donnent à penser que les jeunes époux avaient déjà fait con-.
- ↑ Voir la note 6 à la fin de la Notice. Nous y donnons une description des Rochers, tirée d’un Aveu de la terre et seigneurie des Rochers, rendu le 12 janvier 1688, par Charles de Sévigné, qui reconnaît tenir prochement et noblement ladite terre, fiefs et seigneurie,
du duc de la Trémouille, baron de Vitré. Cette pièce est aux Archives de France, où M. le comte de Laborde, directeur, a bien
voulu nous permettre de la consulter. Ce que nous en citons n’est
d ailleurs pas inédit. M. Dubois, sous-préfet de Vitré, la également
cité pages 61 et suivantes de ses Recherches nouvelles sur madame de Sévigné, publiées en 1838. C’est par ses soins qu’ont été réunies les
différentes pièces relatives à madame de Sévigné, qui se trouvent
aux Archives.
Une description faite par un acte judiciaire n’a rien de poétique ni de pittoresque. Mais son exactitude matérielle a son prix. L’imagination supplée aisément le reste, aidée par les souvenirs des lettres de madame de Sévigné. C’est là que nous trouvons les couleurs qui manquent nécessairement à une simple désignation de lieux. C’est la que les belles allées, pleines d’ombre, prennent des noms charmants ; que l’Infinie s’étend à perte de vue, que la Solitaire aboutit d’un côté au labyrinthe et de l’autre à la grande place au bout du mail, plantée à quatre rangs, qu’on appelle le Cloître. C’est là que l’ami Pilois élague les vieux arbres sous les yeux de sa maîtresse, que les jappements de la petite chienne Marphise font retentir l’écho de la place Coulanges et que le soir la lune se jouant dans les grands bois, les peuple d’étranges fantômes.