1670
103. — DU COMTE DE BUSSY RABUTIN À
MADAME DE SÉVIGNÉ.
Le lendemain du jour que j’eus reçu cette lettre, j’y fis cette réponse :
Il faut que je vous avoue la dette : il m’ennuyoit si fort de ne vous plus écrire, quand M. Frémyot est venu à mourir, que pour peu qu’il eût tardé, je vous aurois consolée de la mort de quelque personne vivante, ou je me serois réjoui avec vous de quelque succession imaginaire ; mais la fortune me tua ce pauvre président à point nommé. S’il ne m’a laissé du bien en mourant, comme à vous, au moins lui ai-je l’obligation de m’avoir fourni un prétexte de recommencer notre commerce : c’est le seul bien qu’il m’a fait, que j’estime fort, ma chère cousine, et après le fonds de terre, je ne trouve rien de meilleur.
Il est vrai qu’il est surprenant de voir qu’ayant de l’agrément l’un pour l’autre, et un bon fond, il arrive de temps en temps des riotes[1] entre nous deux ; mais quand j’y fais un peu de réflexion, je ne trouve pas que nous nous en devions plaindre. Au contraire, je crois que ce sont des saupiquets[2] en amitié, laquelle dans un long commerce seroit trop fade sans de petites brouilleries : nous en rirons bien quelque jour.
Je ne sais pas si ma patience triomphera de mes malheurs, comme vous le souhaitez ; mais elle est extrême. Quoique je fasse toujours de certains pas du côté de la cour,