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vous n’ayez pas eu dessein de lui plaire. Mme de Grignan m’écrit à peu près sur le même ton de panégyrique pour son mari que vous ; mais cet entêtement est plus excusable en une femme nouvellement mariée qu’en une belle-mère. Je vous le dis avec la même sincérité dont vous m’écrivez, ma belle cousine : vous êtes quelquefois (en tout bien, et en tout honneur) aussi extrême que moi.
Au reste, ne vous alarmez pas encore trop de mon amour, si vous le prenez pour une menace : il n’y a rien que je ne fasse pour vous rassurer, et je vous haïrois plutôt que de ne vous pas mettre sur cela l’esprit en repos. Mais je ne vous entends pas quand vous dites que des mouvements si impétueux sentent le fagot. Je n’ai jamais ouï dire que pour se brouiller avec sa cousine, ou pour l’aimer plus que sa vie, on méritât d’être brûlé.
Mme de Grignan me mande, comme vous savez, que son mari, bien loin de comprendre qu’il dût commencer à m’écrire, trouve assez mauvais que je n’aie daigné lui faire un compliment, parce qu’il s’est trouvé si heureux qu’il croyoit tout le monde obligé de le féliciter. Si je voulois, je lui répondrois que son mari, bien loin de nous faire voir qu’il se tient aussi heureux qu’elle me dit qu’il se croit, témoigne, en ne suivant pas l’usage reçu de tous les honnêtes gens, qu’il n’a pas trouvé les grâces qu’il attendoit d’elle.
Mais je ne veux lui répondre autre chose, sinon que si une aussi bonne fortune que la sienne lui a fait tourner la tête, pour moi qui ne suis pas si heureux, j’ai conservé toute ma raison, et que j’essayerai de m’en servir toujours en cette matière, et surtout en vous honorant et en vous aimant comme je dois.