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voir que la seule personne de mon sang que j’aimois au monde, m’abandonnât dans une affaire d’honneur ou elle ne couroit aucun hasard ; et je vis le lendemain du combat qu’il n’avoit pas tenu à cette cousine qui m’avoit été jusque-là si chère, que je j’eusse eu le chagrin de ne m’y pas trouver. Je vous avoue que j’eus pour vous alors autant de haine que j’avois eu d’amitié (vous savez bien que cela est toujours ainsi) ; et si j’en fusse demeuré là, vous ne vous fussiez jamais lavée de la tache d’avoir abandonné votre parent et votre ami au besoin. Mais le procédé que j’eus dans la suite effaça bien votre faute, et vous déchargeant du blâme que vous méritiez, je m’en chargeai tout seul, et je vous rendis par la sans y penser le meilleur office du monde.
Je passe donc condamnation sur le portrait, Madame, et personne ne m’en sauroit blâmer plus que je fais moi-même ; mais il faut que je vous apprenne là-dessus quelque chose que vous ne savez pas. Cette amie si généreuse que vous dites qui m’obligea de brûler ce portrait, vous obligea à bon marché. Premièrement, après avoir goûté le plaisir de l’entendre lire (je ne dis pas plaisir à cause de lui, mais plaisir à cause de vous), elle me pria de le déchirer, ce que je fis en mille pièces devant elle. À la vérité, je ne fus pas sorti de sa chambre, que son mari, qui étoit présent à la rupture, ramassa jusques aux moindres morceaux, et les rajusta si bien qu’il le copia, et me le montra trois jours après. Je vous avoue que l’envie de le ravoir me prit, et que me trouvant quelque temps après en commerce d’amitié avec Mme de la Baume, elle eut de moi cette ridicule pièce, qu’elle rendit publique comme vous savez.
Je ne vous dis point ce que je fis sur votre sujet, après la prison du surintendant Foucquet : vous ne l’ignorez pas, et vous en avez plus de reconnoissance que l’action ne