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1664 me veux persuader qu’elles en savent plus que moi. D’autre côté, quand je raisonne avec d’autres gens moins prévenus, dont le sens est admirable, je trouve les mesures si justes, que ce sera un vrai miracle si la chose va comme nous la souhaitons. On ne perd jamais que d’une voix, et cette voix fait le tout. Je me souviens de ces récusations[1], dont ces pauvres femmes pensoient être assurées : il est vrai que nous ne les perdîmes que de cinq à dix-sept. Depuis cela, leur assurance m’a donné de la défiance. Cependant, au fond de mon cœur, j’ai un petit brin de confiance. Je ne sais d’où il vient ni où il va, et même il n’est pas assez grand pour faire que je puisse dormir en repos. Je causois hier de toute cette affaire avec Mme du Plessis[2] ; je ne puis voir ni souffrir que les gens avec qui j’en puis parler, et qui sont dans les mêmes sentiments que moi. Elle espère comme je fais, sans en savoir la raison. « Mais pourquoi espérez-vous ? — Parce que j’espère. » Voilà nos réponses : ne sont-elles pas bien raisonnables ? Je lui disois avec la plus grande vérité du monde que si nous avions un arrêt tel que nous le souhaitons, le comble de ma joie étoit de penser que je vous enverrois un homme à cheval, à toute bride, qui vous apprendroit cette agréable nouvelle, et que le plaisir d’imaginer celui que je vous ferois, rendroit le mien entièrement complet. Elle comprit cela comme moi, et notre imagination nous donna plus d’un quart d’heure de campos.

Cependant je veux rajuster la dernière journée de l’interrogatoire sur le crime d’État. Je vous l’avois mandé

  1. Lettre 61. — i. De Voisin et Pussort. Voyez la note 2 de la lettre 59.
  2. Mme du Plessis Guénégaud, dont il a été parlé plusieurs fois dans les lettres précédentes. Nos deux copies ont simplement l’initiale : « Mme du P. »