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NOTICE BIOGRAPHIQUE


De la branche aînée des Rabutin, qui avait perdu le dernier de ses descendants mâles, il ne restait plus que la troisième fille de sainte Chantal, Françoise de Rabutin, mariée au comte de Toulongeon[1], et une petite fille de dix-huit mois, Marie de Chantal. Qui aurait pensé alors que cette maison à peu près éteinte allait briller plus que jamais, et d’un éclat qu’on peut dire impérissable ?

Trop jeune quand elle perdit son père, madame de Sévigné n’avait pu garder de lui aucune mémoire. Dans ses lettres elle a rarement prononcé son nom. Cependant M. Walckenaer, son excellent historien, presque toujours si exact, a eu tort de dire que, si elle parle une ou deux fois de lui, c’est pour faire allusion à l’originalité de ses défauts. Il y a de ce père un meilleur souvenir dans cette lettre écrite après la mort de sa tante de Toulongeon, où elle dit : « J’ai senti la force du sang ; j’ai regardé en elle le sang de sa bienheureuse mère et de son brave et illustre frère.[2] »

Marie de Chantal n’avait pas été le seul enfant du baron de Chantal et de Marie de Coulanges. Il n’est pas douteux que ses parents eurent une autre fille avant elle. Mais cette sœur aînée de madame de Sévigné mourut en naissant. Nous avons à ce sujet le témoignage de la mère de Chantal. Elle écrivait à madame de Coulanges (Marie de Bèze) : « Il me tarde infiniment de savoir des nouvelles de notre tant aimée et tant aimable fille. Dieu lui donne un heureux accouchement ! » Mais elle dut ajouter avant de fermer la lettre : « Or sus, ma très chère sœur, il faut bénir Notre-Seigneur de ce qu’il lui a plu mettre cette chère petite en paradis, où éternellement elle louera sa bonté et priera pour ses chers père et mère. Il en donnera d’autres, s’il lui plaît ; mais ne pensez pas que ma fille m’en soit un brin moins chère, ni tout ce qui vous appartient. » Madame de Chantal avait donc appris en même temps la nouvelle de l’accouchement de sa belle-fille et celle de la mort de la petite nouveau-née.

  1. Elle survivait à ses deux sœurs, Marie-Aimée de Rabutin, qui avait épousé Jean de Sales, baron de Thorens, frère de saint François de Sales, et Charlotte de Rabutin, morte à l’âge de huit ans.
  2. Lettres inédites, publiées par M. de Barthélemy.