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SUR MADAME DE SÉVIGNÉ.


Aussi a-t-elle l’air si libre, l’action si naturelle et le port si noble, qu’on connoît, dès le premier instant qu’on la voit, qu’il faut qu’elle soit de haute naissance, qu’elle ait passé toute sa vie dans le monde, qu’elle ait de la gaieté dans l’humeur et même de l’air à la danse. Elle est blonde ; mais c’est de ce blond qui n’a rien de fade, et qui sied bien à la beauté. Pour le teint, elle l’a si admirable qu’il n’est pas au pouvoir des plus rigoureux hivers d’effacer le bel incarnat qui le rend si beau, et qui donne un si grand éclat à sa merveilleuse blancheur, qu’on y voit en toute saison cette fraîcheur qu’on ne voit qu’au lever de l’aurore sur les plus belles roses du printemps… Pour les lèvres, elle les a de la plus belle couleur du monde ; elle a le tour du visage beau, les yeux bleus et pleins de feu et les joues si aimables, qu’elle ne sourit jamais qu’on n’y voie ce qu’on ne sauroit exprimer et ce qui sert pourtant beaucoup à faire une partie de son agrément. Pour la gorge, il est impossible d’en voir une mieux taillée, ni plus blanche… Quant à son esprit, je ne sais si je pourrai vous le faire bien comprendre ; mais je sais bien qu’il n’en fut jamais un plus agréable, mieux tourné, plus éclairé, ni plus délicat. Elle a l’imagination vive ; et l’air de toute sa personne est si galant, si propre et si charmant, qu’on ne peut, sans honte, la voir sans l’aimer. Elle avoue pourtant qu’elle est quelquefois sujette à quelques petits chagrins sans raison, qui lui font faire trêve avec la joie pour trois ou quatre heures seulement ; mais ces chagrins sont si petits et passent si vite, qu’il n’y a presque qu’elle qui s’en apercoive. Sa conversation est aisée, divertissante et naturelle ; elle parle juste, elle parle bien, elle a même quelquefois certaines expressions naïves et spirituelles qui plaisent infiniment ; et, quoiqu’elle ne soit pas de ces belles immobiles qui n’ont point d’action, toutes les petites façons qu’elle a n’ont aucune affectation et ne sont qu’un pur effet de la vivacité de son esprit, de l’enjouement de son humeur et de l’heureuse habitude qu’elle a prise d’avoir toujours bonne grâce. En effet, elle danse si merveilleusement qu’elle ravit les yeux et le cœur de tous ceux qui la voient… Clarinte aime fort à lire, et ce qu’il y a de mieux c’est que, sans faire le bel esprit, elle entend admirablement toutes les belles choses. Elle a même appris la langue africaine[1] avec une facilité merveilleuse : car, comme l’Afrique a un fort grand commerce avec la Sicile, les dames qui

    cité portait dans ses dans ses Mémoires sur madame de Sévigné, IIe partie, p. 167. Il ne l’a pas seulement abrégé, ce que nous avons dû faire aussi en quelques passages ; mais il l’a quelque peu arrangé. Nous donnons le texte exact.

  1. L’italien.