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NOTICE BIOGRAPHIQUE


plein de goût, et qui connaît si bien le dix-septième siècle, qu’il semble y avoir lui-même vécu : « Madame de Grignan, dit M. Cousin, n’a ni la verve ni la grâce de sa mère ; mais, outre qu’elle est beaucoup plus belle, elle a du caractère et un serieux particulier… Elle soutient le cartésianisme persécuté…. Si nous possédions un plus grand nombre de ses lettres, je soupçonne qu’elles la mettraient assez haut[1]. » Plus belle et plus philosophe que madame de Sévigné : voilà deux grands avantages, que nous n’avons aucune envie de lui contester et qui doivent toucher ceux qui aiment avec passion la philosophie et ne sont pas insensibles à la beauté. Si nous nous hasardions à être en désaccord avec M. Cousin, ce serait seulement sur la supériorité de courage dans ses opinions, que, dans une phrase de ce même passage, il donne à la fille sur la mère.

L’illustre auteur des Soirées de Saint-Pétersbourg, par le même amour de la philosophie sans doute (il ne parle pas de la beauté), s’est déclaré vivement en faveur de madame de Grignan, ce qui peut être fort juste, contre madame de Sévigné, ce qui l’est beaucoup moins. Joseph de Maistre aimait les caractères fermes ; roides même, ils ne lui déplaisaient pas. Il paraît que celui de madame de Sévigné n’agréait beaucoup ni à lui ni à son frère. « Je suis bien aise, dit-il dans une lettre au comte Rodolphe, que mon frère ait jugé comme moi madame de Sévigné. Nous ne parlons pas du talent, qui est invariable, mais du caractère. Si j’avais à choisir entre la mère et la fille, j’épouserais la fille, et puis je partirais pour recevoir les lettres de l’autre. Je sais bien que c’est une mode de condamner madame de Grignan ; mais par le recueil seulement des lettres de la mère, lues comme on doit lire, la supériorité de la fille sur la mère (dans tout ce qu’il y a de plus essentiel) me paraît prouvée à l’évidence[2]. » Nous devons croire que nous n’avons pas lu comme il faut ; car nous sommes bien loin d’avoir été frappé de la même évidence. Malgré tout le charme d’une correspondance avec madame de Sévigné, nous aurions fort en-

  1. Madame de Sablé, i édition, p. 422, 423.
  2. La lettre est datée de Saint-Pétersbourg, 23 juillet 1813. Lettres et opuscules inédits du comte Joseph de Maistre, 1851. Tome I, p. 228.