Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 1.djvu/330

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
300
NOTICE BIOGRAPHIQUE


qu’on dit qui n’est point dangereuse et que je trouve la plus triste et la plus effrayante de toutes celles qu’on peut avoir. Je vous avoue que je m’en meurs, et que je ne suis pas la maîtresse de soutenir toutes les mauvaises nuits qu’elle me fait passer... Il me semble que les mères ne devroient pas vivre assez longtemps pour voir leurs filles dans de pareils embarras ; je m’en plains respectueusement à la Providence. » Le mariage de Pauline fut attristé par cette maladie de sa mère. Madame de Grignan se trouva si faible qu’elle ne put se faire porter à la chapelle pour y assister[1].

On voit dans des lettres de février 1696[2] qu’à cette date il y avait une amélioration marquée dans la santé de madame de Grignan. Cependant les inquiétudes de madame de Sévigné avaient été si vives que, très-vraisemblablement, ses forces affaiblies et son sang échauffé la prédisposaient à la maladie dont elle fut bientôt elle-même attaquée. Au mois d’avril elle fut atteinte de la petite vérole. Elle était au château de Grignan. Mademoiselle de Martillac, pour qui elle avait toujours été pleine de bonté, ainsi que pour l’autre demoiselle de compagnie de madame de Grignan, mademoiselle de Montgobert, lui donna des soins avec une affection et un dévouement que la crainte de la contagion n’effraya pas. Il y avait une autre personne qu’il eut été bien plus doux encore à madame de Sévigné de voir près de ce lit, où elle comprit, dès les premiers moments, qu’elle allait mourir. Madame de Grignan était sous le même toit. D’où vint qu’elle resta éloignée de sa mère ? Il est possible qu’elle fût elle-même alors trop malade et qu’elle ait été trahie par les forces du corps ; quoique le lit de mort d’une mère soit pour les enfants ce qu’est pour le guerrier le champ de bataille où l’on doit se traîner mourant. Nous avons vu une lettre, écrite en 1737, par un gentilhomme d’Orange à une dame de Rennes[3], ou il est dit que madame de Sévigné ne cessait de

  1. Lettre de madame de Coulanges à madame de Sévigné, 23 décembre 1695.
  2. Lettre de madame de Sévigné au président de Moulceau, 4 février 1696, et Lettre de Coulanges à madame de Simiane, 27 février 1696.
  3. Cette lettre, que M. Rouard, bibliothécaire de la Méjanes à Aix, avait communiquée à M. Walckenaer, s’est trouvée dans les papiers de M. Monmerqué, qui la tenait de M. Walckenaer.