doutons pas, quelque contestation de ce genre. Mais il est
probable que l’opulent fermier général eût laissé passer les
choses plus doucement, s’il n’eût trop appris, comme Georges
Dandin, quel est le style des nobles lorsqu’ils font entrer des
enrichis dans leur famille. Saint-Simon a parfaitement conté
cette histoire. « Madame de Grignan, dit-il, en présentant sa
belle-fille au monde, en faisoit ses excuses ; et avec ses minauderies, en radoucissant ses petits yeux, disoit qu’il falloit bien
de temps en temps du fumier sur les meilleures terres. Elle se
savoit un gré infini de ce bon mot, qu’avec raison chacun trouva
impertinent, quand on a fait un mariage, et le dire entre bas et
haut devant sa belle-fille. Saint-Amant, son père, qui se prêtoit à tout pour leurs dettes, l’apprit enfin, et s’en trouva si
offensé qu’il ferma le robinet[1]. »
Vers la fin de la même année 1695, le 29 novembre, madame de Grignan maria sa fille Pauline ; et cette fois le mariage était aussi noble qu’avantageux. Madame de Sévigné avait bien prédit que l’esprit et la figure de Pauline seraient une dot. Elle épousa, le 29 novembre, Louis de Simiane, marquis d’Esparron, qui avait vingt-cinq mille livres de rente en fonds de terre ; elle ne lui apportait que vingt mille écus[2]. L’inégalité de fortune avait disparu devant un amour réciproque[3].
Ces deux mariages rendaient la sécurité à madame de Sévigné du côté des cruels embarras d’argent, qui, depuis si longtemps, lui causaient tant d’alarmes pour sa fille. Mais des inquiétudes d’une autre nature ôtèrent le repos à ses derniers jours. La santé de madame de Grignan était fort mauvaise. On songeait à l’emmener à Paris dès que le voyage serait possible. Madame de Sévigné faisait, en attendant, consulter par ses amis les plus habiles médecins de cette ville. Le 15 octobre 1695, elle écrivait à son cousin de Coulanges : « Il y a trois mois que ma fille est accablée d’une sorte de maladie