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NOTICE BIOGRAPHIQUE

Le fermier général dont on voulait faire épouser la fille au jeune marquis de Grignan, se nommait Saint-Amant. Il était trésorier des états du Languedoc, et avait eu à Marseille une commission pour les vivres.

Malgré quelques difficultés qui s’élevèrent un moment, et qui firent croire que le mariage allait être rompu[1], il fut enfin décidé. Madame de Sévigné, en faisant part de cette nouvelle à madame de Guitaut, lui apprit aussi que Saint-Amant donnait à sa fille une dot de quatre cent mille francs comptant, et qu’il y aurait beaucoup plus dans l’avenir, attendu qu’il n’avait qu’une autre fille. « On a cru, ajoutait-elle, qu’un tel parti seroit bon pour soutenir les grandeurs de la maison, qui n’est pas sans dettes, principalement celle de madame de Vibraye, fille du premier mariage, qui presse fort. » Elle aurait bien pu dire des Grignan ce que vers le même temps elle disait des Tonnerre, que depuis bien des années « l’hôpital était attaché à cette maison, raison qui ferme la bouche, raison qui fait sortir le loup du bois. » Il avait été réglé que la moitié des quatre cent mille livres, payées comptant, serait distribuée aux créanciers de la maison de Grignan. Le généreux beau-père donnait en outre pour plus de cinquante mille francs de linge, d’habits, de dentelles et pierreries. La jeune fille avait dix-huit ans et était, au jugement de madame de Sévigné, « jolie, aimable, sage, bien élevée, raisonnable au dernier point. » Le mariage fut célébré le 2 janvier 1695. Au bout de quelques mois, comme il arrive souvent dans ces unions formées par la vanité des uns et les vues intéressées des autres, il y avait déjà mésintelligence. Saint-Amant ramenait sa fille à Paris, et y faisait grand bruit de ses chagrins. Voici quelle explication madame de Sévigné donnait de ce mécontentement. Madame de Grignan avait promis dix mille francs à son fils ; mais elle lui en avait déjà donné neuf mille, ce qu’elle prouvait, mémoires en main ; elle ne lui en envoya donc que mille. Le beau-père prétendit qu’on le trompait, qu’on voulait tout prendre sur lui, et déclara qu’il ne donnerait plus rien[2]. Il devait y avoir eu, nous n’en

  1. Lettre de M. et madame de Coulanges à madame de Sévigné, 29 octobre 1694.
  2. Lettre à M. de Sévigné, 20 septembre 1695.