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SUR MADAME DE SÉVIGNÉ.


maréchal d’Estrées devenait impuissante. Cependant madame de Sévigné, qui croyait difficilement aux trahisons de l’amitié, ne tarda pas à penser qu’il y avait eu de la part du duc de Chaulnes plus de timidité que d’indifférence. Avec un très-louable esprit d’équité, elle finit par reconnaître que ses doutes sur le zèle de cet ami n’avaient pas été justes, que ses plaintes n’étaient pas méritées. Elle s’empressa de le justifier auprès de sa fille, qui persistait à l’accuser. Le choix de Coëtlogon était inévitable ; M. de Chaulnes l’avait su, et avait gardé le silence pour s’épargner un inutile affront. « Ne faut-il point être juste, disait-elle avec beaucoup de sagesse, et se mettre à la place des gens ? C’est ce qu’on ne fait jamais. »

Le maréchal d’Estrées, depuis longtemps ami de Sévigné, lui donnait toutes les marques d’estime et d’affection. Il eût désiré aussi vivement que le duc de Chaulnes le succès de sa candidature : mais contre une influence plus forte il ne put rien. Coëtlogon l’emporta. Sévigné, après avoir rempli ses devoirs aux états, où l’amitié du maréchal d’Estrées avait encore augmenté sa considération, revint tout consolé aux Rochers « reprendre, disait-il, son train ordinaire, amuser sa mère, lui lire des histoires, avoir soin de sa santé[1]. »

Les états auxquels Sévigné avait assisté, et qui l’avaient tenu quelque temps éloigné de sa mère, avaient cette année été ouverts à Rennes. Tout y fut magnifique, et tout y était nouveau, non-seulement le parlement que la ville avait enfin recouvré, à la grande joie des Bretons, mais les personnes elles-mêmes : celui qui faisait les fonctions de gouverneur, l’intendant de la province, et aussi le trésorier des états ; car le pauvre d’Harouys, autrefois si brillant, avait été précipité par la plus terrible catastrophe. Son luxe, son désordre, sa passion d’obliger tout le monde sans mesure, l’avaient perdu. À force de prêter de l’argent, qu’il ne pressait jamais ses débiteurs de lui rendre, il s’était obéré, et les deniers publics s’étaient aussi mal trouvés de cette imprudente facilité que sa fortune personnelle. Il n’avait pu rendre ses comptes. Mais il s’était fait tellement aimer dans toute la Bretagne, que cette affection générale, qui

  1. Lettre du 20 novembre 1689.