tique d’une mère et les derniers ordres du bon abbé pour rendre à mon fils les terres dont j’avois joui[1]. » La bienséance était
évidente : comment ne pas aller passer quelque temps avec
les nouveaux mariés de Bretagne ? comment ne point se partager un peu entre ses deux enfants ? Que ce partage fût inégal,
Sévigné y devait être habitué ; mais dans les commencements
d’un si grand changement dans sa vie, rester comme abandonné
par sa mère, n’avoir pas la douceur de serrer entre sa jeune
femme et elle les liens d’une mutuelle affection, cela, quelque
exempt de jalousie qu’il fût, ne lui eût-il pas semblé trop cruel ?
Lui ôter un tel sujet de plainte ou au moins de douleur, c’est,
il nous semble, ce que madame de Sévigné appelait
la politique d’une mère ; nous aimerions mieux qu’elle eût dit son devoir,
le besoin de son cœur, sa justice et sa tendresse. Charles de
Sévigné avait eu, un moment, la crainte de ne plus jamais
revoir sa mère en Bretagne, lorsque lui écrivant, peu de
temps avant son mariage, elle avait appelé sa chambre des
Rochers sa défunte chambre. « Y avez-vous donc renoncé,
ma très-chère Madame ? lui avait-il alors répondu. Voulez-vous
donc rompre tout commerce avec votre fils, après avoir tant
fait pour lui ? Voulez-vous vous ôter à lui, et le punir comme
s’il avoit manqué à tout ce qu’il vous doit ? Mon mariage ne
répareroit pas un tel malheur, et je vous aime mille fois mieux
que tout ce qu’il y a dans le monde... Ne renoncez point à
votre fils. » Madame de Sévigné ne pouvait rester sourde à
une si tendre et si juste supplication. Il est remarquable cependant qu’au moment où elle partit, elle n’allégua que la nécessité, vivement représentée par le bien bon, de mettre de
l’ordre dans ses affaires, nullement cette bienséance et cette
politique maternelle. Elle se défendit même d’y avoir pensé.
Avant d’arriver aux Rochers, elle écrivait à sa fille, le 20 septembre 1684 : « Je viens d’ouvrir la lettre que vous écrivez à
mon fils... Je consens que vous lui fassiez valoir mon départ
dans cette saison ; mais Dieu sait si l’impossibilité et la crainte
d’un désordre honteux dans nos affaires n’en ont pas été les
seules raisons. Il y a des temps dans la vie où les forces épuisées
- ↑ Lettre à madame de Grignan, 11 décembre 1689.