madame de Sévigné, dans une lettre au président de Moulceau[1], parlait du beau-père de son fils, comme d’un homme
fort peu aimable et fort difficultueux. Il n’était pas très-commode, suivant elle, d’avoir affaire avec des Bas-Bretons et de
faire un contrat dans la généralité de Ploërmel. Les hésitations de M. de Mauron et son mécontentement n’étaient-ils
pas cependant faciles à justifier ? Dotant richement sa fille, il
était naturel et juste qu’il n’entendît pas que, dans les arrangements de famille à régler entre madame de Grignan et son
frère, celui-ci fût trop mal partagé. Il consentait à estimer au
denier trente les terres de son futur gendre ; mais alors il trouvait mauvais qu’on ne voulût estimer qu’au denier quinze ce
qui devait revenir à madame de Grignan. Il avait donc proposé qu’elle prît pour cent mille francs, c’est-à-dire au denier
vingt-cinq, la terre de Bourbilly, dont le revenu était de
quatre mille francs. Madame de Grignan s’était récriée ; à
l’entendre, on l’outrageait. Elle avait failli faire manquer le
mariage de son frère, en refusant d’écrire à M. de Mauron
une lettre de civilité. M. de Mauron s’était fâché ; il avait dit
que madame de Grignan le méprisait, et qu’elle semblait croire
que son alliance lui faisait tort. Il avait parlé avec amertume
de la prédilection de madame de Sévigné pour sa fille, et ce
reproche avait blessé profondément celle à qui il s’adressait.
Charles de Sévigné, toujours conciliant, plein de respect pour
sa mère, d’égards pour sa sœur, d’amitié pour toutes deux,
était parvenu à triompher de ces difficultés. Dans une lettre
écrite à madame de Sévigné au temps de ces pénibles malentendus, il s’était empressé de reconnaître que sa mère, eu
égard à la différence des années 1669 et 1683 et aux angoisses
où elle était, faisait plus pour lui qu’elle n’avait fait pour sa
sœur ; il protestait que son cœur était plein de reconnaissance.
Un si aimable caractère avait tout apaisé. Madame de Grignan
avait fini par écrire à M. de Mauron.
Le bon Sévigné était arrivé au port. Ayant alors dit adieu à toutes les folies de sa jeunesse, il retrouva au fond de son cœur les sentiments religieux qui y avaient longtemps sommeillé,
- ↑ Lettre du 1er mars 1684.