prit n’ait pas craint d’ajouter : « Ma fille a si joliment contribué
à cette petite manœuvre, qu’elle en a une double joie[1]. » Madame de Sévigné fit une communication semblable à Bussy. Elle
lui avoua que la maison de Grignan était « un peu soulagée par
ce présent des quarante mille écus, qui étoient un lourd fardeau
pour elle ; » et comme si elle oubliait à quel railleur elle avait
affaire, elle eut l’imprudence, en lui racontant naïvement cet
heureux succès, de lui dire que madame de Grignan y avait
fait merveille[2]. » La méchanceté de la réponse de Bussy ne
peut cette fois être blâmée. Il n’avait jamais fait de sa malice un
meilleur et plus légitime usage : « Vous m’avez fait, lui dit-il,
un fort grand plaisir, ma chère cousine, de m’apprendre le soin
qu’a eu la belle Madelonne d’inspirer de nobles sentiments à
l’aînée de ses belles-filles, et l’heureux succès de ses peines...
J’en suis ravi, et ma fille aussi, qui dit que Dieu lui a fait une
grande grâce de ne lui avoir pas donné une belle-mère comme
elle, parce qu’elle seroit aujourd’hui dans un couvent, pour lequel sa vocation étoit très-médiocre[3]. » Ce fut un grand bonheur
pour mademoiselle de Grignan que, pour lui avoir été suggérée
par des vues intéressées, sa piété n’ait pas été moins sincère.
Elle continua jusqu’en 1735, c’est-à-dire jusqu’à sa mort, à
vivre, au milieu du monde, de la vie d’une religieuse.
Il eût été probablement difficile de faire naître de semblables dispositions chez sa sœur Françoise-Julie de Grignan, qu’on appelait mademoiselle d’Alerac. C’était une belle personne, qui avait, ce semble, beaucoup de goût pour le monde. Elle était, suivant l’expression de madame de Sévigné, la fille terrestre de M. de Grignan, comme l’autre était sa fille céleste. Madame de Sévigné nous la représente comme se ruinant pour paraître dans un grand carrousel dont la cour eut le spectacle au mois de mai 1686, précisément dans le temps où sa sœur prenait l’habit des grandes Carmélites. Quoiqu’on ne pût fonder les mêmes espérances sur son abnégation que sur celle de mademoiselle de Grignan l’aînée, il semblerait, d’après quelques passages de lettres de 1681, qu’elle était alors dans de fort bons termes avec la famille de sa belle-mère. Elle fai-