pleine de lumière et de verdure, l’autre à quelque sentier plus
resserré, plus triste et plus sec.
Quoique madame de Sévigné eût pu cette fois garder sa fille près de deux ans, il lui sembla qu’elle n’avait fait que passer, comme un oiseau ou comme un postillon, et, malgré la sagesse ordinaire de sa conduite avec M. de Grignan, elle laissa peut-être alors percer quelque jalousie et quelque dépit contre lui. La santé de madame de Grignan paraissait meilleure lorsqu’elle partit ; sa mère ne comprenait pas cependant qu’elle s’en allât, au mois de septembre, exposer sa poitrine à la bise de Grignan, quand il était probable que son mari reviendrait passer l’hiver à Paris. Elle lui écrivait qu’elle avait « parfaitement rempli le précepte de l’Évangile, qui veut que l’on quitte tout pour son mari, » et que « pour sacrifier son repos, sa santé, sa vie, la tendresse et la tranquillité de sa mère, » il lui avait suffi de deviner un désir de M. de Grignan à demi caché sous des manières polies[1]. « Vous observiez et vous consultiez, lui disait-elle, les volontés de M. de Grignan, ainsi qu’on faisoit autrefois les entrailles des victimes[2]. » Ces plaintes, plus ou moins déguisées, de madame de Sévigné, ne semblent pas très-dignes de sa prudence, ni très-justes. M. de Grignan n’avait certainement pas manqué de complaisance pour cet amour maternel si exigeant. Quant à madame de Grignan, nous ne saurions dire si elle mérita le reproche de trop aimer son mari. Ce reproche serait d’ailleurs beaucoup moins grave que celui de n’aimer point assez sa mère. Au surplus, nous manquons de détails qui nous puissent faire connaître quel ménage au juste faisaient les deux époux. Nous sommes porté à croire cependant qu’il était assez bon ; une lettre de madame de Grignan à son mari, celle qui est datée de Livry, 20 mai 1678, est fort tendre ; et, comme du reste il n’y a, dans les lettres de madame de Sévigné, aucune trace d’un désaccord sérieux entre son gendre et sa fille, on se représente volontiers M. de Grignan comme un honnête et galant homme, qui sut vivre en bonne intelligence avec une femme d’un caractère difficile. On apercevrait bien, de loin en loin, quelques ombres. Bussy écrivait, en 1675, à madame de Sévigné,