-Catherine[1], pour laquelle madame de Sévigné le quitta, avait été
bâtie vers le milieu du siècle précédent, et décorée à l’extérieur
et à l’intérieur par Jean Goujon de magnifiques sculptures, qu’on
y admire encore aujourd’hui. Cette maison, qui avait appartenu
longtemps à la famille bretonne des Carnavalet, avait pris le
nom d’hôtel Carnavalet. Elle appartenait alors à M. d’Agaurri,
et était habitée par madame de Lillebonne, qui devait la quitter au mois d’octobre. D’Hacqueville avait été chargé de la
louer pour madame de Sévigné, qui était dans une grande impatience d’en prendre possession, se promettant qu’elle serait
agréable à sa fille, qu’elle lui paraîtrait d’une grande commodité pour y loger ensemble, et qu’on éviterait ainsi tous les
ennuis inséparables de deux habitations distinctes : grande
confiance chez une mère qui venait d’être obligée de mettre
presque toute la France entre elle et sa fille, pour lui rendre
le repos et la santé ! Mais madame de Sévigné avait bientôt
tout oublié, excepté son affection, et elle gourmandait vivement
la lenteur du prudent d’Hacqueville. Elle le trouvait plein de
difficultés. Son « profond jugement » le faisait tant lanterner,
qu’elle mourait de peur de voir la maison lui échapper, et ne
voulait plus se fier qu’à l’habileté de madame de Coulanges.
Elle quitta Vichy, le 24 septembre, sans savoir encore si elle aurait cet hôtel tant désiré, qu’elle avait déjà baptisé comme d’un petit nom d’amitié : la Carnavalette. Mais la nouvelle de la victoire lui parvint en route, et le 4 octobre elle put écrire d’un ton de triomphe . « Je m’en vais vous ranger la Carnavalette ; car enfin nous l’avons. » Il lui paraissait que tout y était parfait pour y recevoir sa reine : la belle cour, le beau jardin, le beau quartier. Les parquets seuls manquaient et les petites cheminées à la mode. Plus tard, lorsque madame de Grignan eut désiré des changements, sa mère fut d’avis que, sans ce raffinement, la maison était en effet inhabitable. Elle devint elle-même architecte, disant qu’il y avait des histoires qui contaient de plus grands miracles, et que certaines
- ↑ Cette maison, qui porte le numéro 23 dans la rue Culture-Sainte-Catherine, est occupée aujourd’hui par une institution de l’Université. M. Verdot, chef de cette institution, a publié en 1838 une intéressante notice historique sur l’hôtel de Carnavalet.